Par Mary Jo Watts (mid0nz)
(Roxane Périard-Fournier, Traductrice)

Used with permission.
Photo de Benedict Cumberbatch (G) comme Sherlock Holmes et Steve Lawes (R) par Robert Viglasky.
Utilisé avec permission.
Je suis désespérément, obsessionnellement éprise de la série Sherlock de la BBC. Il est impossible pour moi de tempérer mon enthousiasme pour l’adaptation moderne de Steven Moffat et de Mark Gatiss. À l’âge de 43 ans, je suis fière de me désigner en tant que fangirl de la série et de me compter parmi les millions d’autres personnes qui composent son fandom global.
C’était quand j’ai regardé les crédits rouler à la suite de l’épisode Le Grand Jeu, la saisissante finale à suspens de la première saison, que j’ai réalisé que j’étais devenue totalement immergée dans l’univers de Sherlock en raison de ses éléments visuels époustouflants. Une partie de l’intrigue de cet épisode concerne un tableau de Vermeer et j’ai été ravie de constater qu’une scène essentielle avait été illuminée en hommage au maître hollandais.
Ces crédits m’ont révélé que c’était le directeur de la photographie Steve Lawes qui a transmuté un austère plateau de tournage à Cardiff en le 221B Baker Street, Londres. Non, pas le domicile de la légende littéraire de Arthur Conan Doyle, M. Sherlock Holmes, mais dans un véritable appartement où le Sherlock contemporain de Benedict Cumberbatch vit le plus souvent. C’est un bazar plutôt douillet. Il y a deux fenêtres géantes dans le salon qui laissent entrer beaucoup de lumière et laissent voir une rue animée. Le 221B de Lawes est aussi réel pour moi que n’importe quel autre endroit où j’ai joyeusement passé des heures de mon temps.
J’ai une formation universitaire en étude des médias et en théorie du cinéma. J’ai blogué à propos de Sherlock pendant la majeure partie de deux ans maintenant : la trame sonore, les décors de plateau, les accessoires et les intrigues. Mais c’est à l’apparence de la série que je reviens continuellement – sa grammaire, son cadrage et sa lumière. Il y a neuf épisodes de Sherlock, chacune à la longueur d’un film, composant trois saisons. Lawes a filmé cinq d’entre eux : toute la première saison et les deux premiers épisodes de la troisième saison.
Pour préparer cette entrevue, je me suis joyeusement appliquée à visionner autant de projets de Steve Lawes que j’ai pu, dans toute leur diversité. Pendant les congés de Noël de 2013, trois des récents projets de Lawes ont été diffusés : ses deux épisodes de Sherlock, son premier grand film d’époque, La mort s’invite à Pemberley (Death Comes to Pemberley) et The Tractate Middoth, un petit bijou d’histoire de fantôme par M.R. James, qui a été adapté, réalisé et coproduit par Mark Gatiss. Des trucs absolument fantastiques.
Je ne suis pas une écrivaine ou une intervieweuse professionnelle. Comme mentionné plus haut, je suis une fan avec un blog. Steve Lawes est un cinéaste indépendant. Les opinions qu’il exprime ci-dessous sont les siens et ne reflètent pas ceux de la BBC ou de Hartswood Films. Notre conversation a eu lieu le 30 janvier 2014. -MJW
Mary Jo Watts : Comment êtes-vous devenu un Directeur de la photographie ?
Steve Lawes : Quand je suis allé à l’école secondaire, j’ai fait de la photographie avec de l’art. J’ai toujours voulu faire de la photographie. J’ai fait beaucoup de photographie quand j’étais garçon. J’ai commencé avec un Instamatic et puis je suis passé au Polaroid et au 35 mm. C’est quelque chose qui m’a toujours fasciné. J’aime la combinaison du côté technique de la photographie et du côté artistique de la photographie. J’étais donc destiné à vouloir être un photographe.
J’ai fini par prendre une année sabbatique. Je suis allé à un camp d’été dans les États-Unis quand j’avais 18 ans et ça a un peu changé ma vision de la vie. C’était une grande expérience que je n’avais pas eue avant.
MJW : Dans quels environs ?
SL : C’est en Pennsylvanie, un endroit appelé Trail’s End, qui était un camp très aisé pour les enfants juifs américains très riches. Je me suis fait un ami de New York et un ami de la région de la Nouvelle-Orléans. J’ai voyagé un peu partout sur un bus Greyhound. J’ai acheté un de ces billets qui vous permettent d’aller partout. Ça m’a ouvert les yeux. J’avais seulement 18 ans et ce fut une expérience très bizarre d’être loin de chez moi pour la première fois et voir en autobus l’Amérique que vous avez vue si souvent dans les films et ce genre de chose. Selon moi, ça m’a changé. Ça m’a donné envie de chercher autre chose, quelque chose de plus.
Quand je suis revenu j’ai commencé à chercher quels cours étaient donnés sur l’image en mouvement. Je voulais creuser un peu plus dans cela. Donc je suis finalement allé à Manchester où j’ai étudié à l’école de cinéma pendant trois ans. C’était une école de cinéma générale. Ce n’était pas comme les grandes écoles de cinéma du Royaume-Uni ou de LA. C’est un cursus universitaire qui répondait aux besoins de beaucoup de choses différentes. Alors si vous vouliez être un réalisateur ou un caméraman, quoi que ce soit, ils enseignaient tout cela. Vous aviez l’opportunité de faire un peu de tout. J’ai produit. J’ai réalisé. J’ai édité. J’ai tout fait. La seule chose que j’ai toujours voulu faire était de filmer, alors nous avons filmé sur film 16 mm, nous avons filmé sur HD – eh bien, ce n’est pas HD, c’était haute bande vidéo à l’époque et j’avais l’habitude de filmer beaucoup sur les Super 8. Je m’amusais et j’essayais des trucs. Puis j’ai quitté l’université.
Lorsque j’ai obtenu mon diplôme de l’université, c’était ce genre de situation où vous vous demandez si vous allez obtenir un emploi. C’est une industrie coriace. J’ai été sans emploi pour la meilleure partie de quatre mois. Comme tous les diplômés. Ils cherchent dans tous les journaux et tous les périodiques pour tous les emplois. J’étais tellement désespéré d’obtenir un travail.
On m’a offert un emploi à QVC. Le canal commercial venait au Royaume-Uni et ils étaient à la recherche d’un technicien de la caméra afin d’essentiellement gérer le studio à Londres. Je n’avais pas vraiment eu d’autres opportunités, alors je me suis dit pourquoi pas ? Alors je vais à l’entrevue. J’obtiens l’emploi. J’arrive pour la première journée et j’ai un cours d’intégration. Et cette peur m’envahit. Je me rends à l’heure du déjeuner. Et je prends cette décision. Je me dis « Ok, je vais partir à la fin de la journée. Je ne vais pas faire ça. Parce que si je fais ça, ça va me conduire à autre chose et je ne vais pas arriver là où je veux aller. » J’ai démissionné après une journée. Mes parents et tout le monde autour de moi pensaient que j’étais un idiot parce que j’avais des dettes de l’université et j’avais besoin de travailler. Mais j’avais cette croyance que quelque chose viendrait et que ce n’était pas ce que je voulais faire et que dans la vie, il ne faut pas faire les choses que vous ne voulez pas faire. Alors j’ai continué à être sans emploi pour un certain temps.
Une très bonne amie de l’université, pas mon université, elle est allée à une autre université, une de mes amies de l’école, Annabelle, connaissait un gars nommé Olly Tellett qui est premier assistant opérateur. Elle m’a dit que je devrais lui parler pour trouver un emploi en tant que stagiaire. Nous sommes tous les deux de la même ville au Royaume-Uni appelée Winchester. Nous nous sommes rencontrés dans un pub par hasard et nous nous sommes mis à bavarder et il a dit qu’il faisait un film dans le Pays de Galles et m’a demandé si je voulais aller avec lui et être un stagiaire. Il n’y avait pas d’argent. Pas d’hébergement. Rien du tout. C’était douze semaines de travail – je pouvais littéralement juste me pointer là, probablement dormir sur le plancher chez quelqu’un, est-ce que je voulais le faire ? J’ai dit: « D’accord, je vais essayer. » Je suis donc allé et j’ai fait ce travail. Essentiellement, j’étais un stagiaire sur ce travail. Très vite, ils m’ont offert le poste suivant. Ils voulaient que je sois un deuxième assistant opérateur sur le prochain projet. J’ai travaillé avec Olly pour la meilleure partie de dix ans.
Nous avons gratté un peu pendant environ deux ans. Des trucs marginaux, des petits projets, des films à petit budget, puis nous avons fini par travailler avec un gars nommé Daf Hobson, un cinéaste de renommée au Royaume-Uni. Cela impliquait beaucoup de fiction pour la télévision. Alors nous avons travailler avec lui pendant environ dix ans. Olly a commencé à obtenir d’autres emplois, toujours en tant que premier assistant opérateur, alors j’ai pris la relève de Olly comme premier assistant opérateur, travaillant toujours avec Daf. Olly est sans doute aujourd’hui l’un des meilleurs premier assistant opérateur dans le pays. Il était sur la caméra A pour Gravity. Son CV est, en termes de longs métrages … Si un grand studio vient tourner dans le pays, il y travaille. Nous sommes toujours de très bons amis. Il est allé dans cette direction et j’ai continué à travailler avec Daf pour un certain nombre d’années.
Nous sommes entrés dans une situation où j’ai commencé à filmer la deuxième unité pour Daf et nous travaillions sur un projet un jour – c’est un truc qui s’appelait The Street par Jimmy McGovern et il état sensé faire le premier bloc et le troisième bloc. Très souvent ce qui se passe, comme dans Sherlock, quand vous avez trois épisodes ou six épisodes, vous filmez en blocs, de sorte que vous filmez les épisodes un et deux en six semaines. Un autre réalisateur et un autre directeur de la photographe filment trois et quatre en six semaines et puis vous revenez et assez souvent le réalisateur principal et le directeur de la photographie font le premier et le troisième ensemble. Parfois, vous faites le projet entier, si c’est quelque chose comme Sherlock. Donc, nous avions tourné le premier bloc et j’ai travaillé et nous avions tourné quelques jours et [Daf] me dit à la fin: « Je ne vais pas revenir. Je ne veux plus le faire. Je vais prendre un congé sabbatique et je vais suggérer que tu le fasses. » Je me suis dit, « Ils ne vont jamais à m’embaucher! Tu sais, tout ce que j’ai est de l’expérience dans le département de la caméra et je n’ai pas d’expérience en tant que directeur de la photographie. » Alors, je dis « D’accord, si ça fonctionne, tant mieux. Nous allons voir ce qui se passe. »
Je suis allé à New York pour voir mon ami que j’avais rencontré au camp avec ma femme et j’ai reçu un appel vers quatre heures du matin du producteur, disant « Nous voulons vous offrir le poste. » C’était en 2006. Je me souviens avoir sauté de joie et m’être dit « Voilà. C’est ma chance. » C’est un grand drame de la BBC diffusé sur les heures de grande écoute, le drame qui a remporté le BAFTA et le RTS deux ans de suite. Ça a été l’une des séries les plus acclamées autre que Sherlock qui a été sur nos écrans. Je me souviens avoir sauté d’excitation et puis tout d’un coup cette peur m’a saisit. Et j’ai pensé « Mais qu’est-ce que je fais là ? Comment vais-je faire ça ? Je ne suis pas prêt pour ça. » Comme dans toutes les situations dans la vie où vous devenez anxieux parce qu’une opportunité se présente et vous pensez que vous ne pouvez pas le faire.
Nous retournons à la maison. Je parle à Daf et je dis: « Écoute, je suis un peu nerveux au sujet de blah, blah, blah. » et il dit « Tout est là. Tu as travaillé comme assistant pendant quinze ans. Tu as été sur tous ces différents plateaux de cinéma. Tu sais comment ça se passe. Tu n’as qu’à mettre tout cela en place. » Il a été un grand mentor. Il était le genre de gars avec qui vous travaillez qui vous disait toujours pourquoi il faisait quelque chose. Il était mon enseignant. Tout ce que vous voyez que je fais maintenant, beaucoup de cela vient de lui. Ce n’est pas tellement le style et le côté technique, mais c’est l’approche. C’est la façon dont vous approchez la cinématographie.
J’ai fait The Street. Je ne pense pas que je me suis jamais jeté sur quelque chose avec tant d’énergie et tant de volonté de réussir. Je me suis senti comme si j’avais passé les six semaines à courir et puis je suis arrivé à la fin et c’était un soulagement, nous avions réussi. Et tout le monde était très heureux avec le résultat. Alors le réalisateur, David Blair, m’a offert un autre emploi par la suite. Et puis ça fait boule de neige jusqu’à où je suis maintenant, avec différents réalisateurs, différentes compagnies, différentes tâches. Choisir différents projets pour des raisons différentes.
La plupart des projets que je fais maintenant dépendent du réalisateur plus que toute autre chose. Mais il y a encore des trucs comme Sherlock. Dans la première série, j’ai été invité à une entrevue pour rencontrer [le réalisateur] Paul McGuigan. Je ne savais pas que ça allait être ce ça allait être. Je l’ai littéralement rencontré dans un restaurant à Cardiff. Nous avons parlé pendant deux heures de beaucoup de choses différentes, de ce que nous aimions et ce que nous n’aimions pas et puis ils m’ont offert le poste. C’était assez intéressant. Les entretiens sont toujours … vous êtes soit demandé à l’entrevue parce que le réalisateur aime votre travail ou vous êtes invité à un entretien parce que le producteur aime votre travail. C’est très rarement parce qu’un agent vous obtient l’entrevue. C’est généralement parce que quelqu’un a vu votre travail ou ils ont vu votre série, plutôt, et ils l’ont aimé ou ils ont vu Sherlock et ils l’ont aimé.
Ce que je trouve sur les entretiens est que vous finissez par les interroger autant qu’ils vous interrogent parce que vous allez passer les trois prochains mois de votre vie à travailler avec cette personne à un niveau incroyablement intense. C’est très difficile de s’éloigner de cette relation si elle est dysfonctionnelle. C’est un peu comme deux chiens qui se rencontrent pour la première fois. Vous vous regardez l’un l’autre, vous vous reniflez l’un l’autre, vous essayez de vous comprendre l’un l’autre et vous vous retrouvez à prendre une décision sur ce très court lapse de temps que vous avez. Très souvent avec moi, c’est une question de confiance et aussi … Vous savez, parfois, vous vous trompez. Vous vous assoyez avec quelqu’un lors d’un entretien et ce gars semble incroyable et vous arrivez le premier jour et il est comme … Mais tout le monde est différent.
Une des choses que j’ai apprises au fil des ans, c’est que « bon » et « mauvais » est une mauvaise distinction. Les gens sont différents. Les choses sont différentes. Créativement parlant, il n’y a pas de bon et de mauvais, à mon avis. Je pense qu’il y a juste des divergences d’opinion. Ce qui fonctionne pour une personne ne fonctionne pas nécessairement pour quelqu’un d’autre. Et ce n’est pas une mauvaise chose. Je pense que le fait que les gens aiment ou n’aiment pas fortement les choses est une bonne chose.

Photo de Steve Lawes par Robert Viglasky. Utilisé avec permission.
MJW : Que fait un directeur de la photographie ? Par exemple, pour le premier épisode de la saison trois de Sherlock, Le cercueil vide, qu’avez-vous eu à faire ?
SL : Pour commencer, en termes de pré-production. Une fois que vous êtes à bord, vous travaillez avec le réalisateur, les producteurs, les auteurs et le concepteur de la production, principalement. La conceptrice des costumes, les concepteurs de maquillage. Ce que vous faites en pré-production est que vous regardez le script et vous vous dites « D’accord. Comment réalisons-nous cela ? Comment faisons-nous fonctionner tout cela ? » Donc assez souvent, vous allez faire une lecture du script et vous pensez « Comment allons-nous faire cela ? Quelles parties peuvent être faites en faux ? Quelles parties peuvent être fait en réel? »
Vous travaillez ensuite avec le régisseur général et commencez à regarder les endroits qui fonctionneront peut-être. Vous discutez de pourquoi ils fonctionneraient, pourquoi ils ne fonctionneraient pas. Ils sont coûteux en termes de caméra et de lumières et d’électricité – et tout ce genre de chose. C’est tout un processus qui dépend de beaucoup de choses. Ça dépend des choix créatifs, ça dépend des finances — ça dépend toujours des finances parce que vous pouvez entrer dans une salle et dire « Ça c’est génial », mais ça va coûter 50 000 £ à éclairer et le producteur se retournera et dira « Pas question ». Donc ce que vous faites est que vous entrez là-dedans et dites « C’est très bien, mais ça va nous tuer si nous l’éclairons. Peut-être que si nous utilisons simplement cette partie-là nous pouvons le faire fonctionner de cette façon. »
Alors en pré-production vous parlez des scripts et comment réaliser tout ça pour pour l’obtenir à l’écran. Vous avez une conversation avec le réalisateur au sujet de ce qu’il veut faire, comment il voit cette scène, quelles sont ses idées, veut-il que ce soit sur Steadicam, veut-il que ce soit sur grue, a t-il telle ou telle idée.
Par exemple, pour la première saison avec Paul [McGuigan]. Les plateaux de studio sont tous construits sur le même niveau. Alors la pièce principale est sur un niveau. Les escaliers qui descendent de cette pièce sont au même niveau, mais à côté, et descendent. Paul est arrivé et il était vraiment déçu parce que le plateau n’était pas construit une étage sur l’autre. Ils ne le sont jamais sauf si vous êtes David Fincher et vous les obtenez construits comme ça. Ils ne le sont jamais parce que c’est plus pratique de les avoir au niveau du sol. Mais il voulait faire une prise de vue qui allait jusqu’en bas des escaliers et dehors dans la rue. Et il dit: « Comment pouvons-nous faire cela? » et j’ai dit « Eh bien nous pouvons le faire avec des volets. » Vous savez, ce que nous faisons est nous filmons avec Steadicam et volets de sorte que quand on arrive en haut de l’escalier, Benedict [Cumberbatch] marche dans la caméra et ça devient noir et puis nous continuons vers le bas [dans la prochaine série d’escaliers et à l’extérieur de 221B]. Et dans cette prise, il y a quatre coupes pour arriver sur la grue, la dernière étant lorsque nous ressortons sur Baker Street [North Gower Street] et puis nous utilisons John pour traverser le cadre pour créer le volet qui nous amène sur la grue. Quand vous voyez ce que vous voyez en une seule prise, les gens verraient la coupure s’ils savaient qu’elle était là, mais effectivement on le voit comme une seule prise. C’est le genre de chose que nous faisons en préparation. Comment résoudre un problème concernant ce que vous voulez faire créativement.
Ensuite, lorsque nous nous rapprochons du tournage, nous allons ce qu’on appelle le repérage, où tous chefs de départements impliqués dans la production sont sur un bus et nous… nous promenons. Nous sortons avec nos portes-blocs. Comme pour le toit de Barts, nous sommes allés sur le toit de Barts et nous nous sommes dit « D’accord. Allons-nous avoir une caméra positionnée, où cette position de la caméra sera-t-elle, et quelle est la logistique de la mettre là. » Et nous avons toutes ces discussions, puis à la fin de ces repérages, je vais faire des listes en termes d’éclairage supplémentaire, kits de caméra supplémentaires nécessaires et je mets ces listes ensembles et je les mets en production.
Ensuite, nous avons une réunion de production qui dure généralement éternellement. Elles durent jusqu’à huit heures. Et dans cette réunion de production, nous passons à travers un calendrier. Et le premier… est basé sur ce que nous allons tourner ce jour-là. Et tout le monde intervient à ce stade pour dire quels sont leurs problèmes, pour poser des questions, dire comment résolveront-ils ces problèmes, si telle chose devait arriver comment la situation sera-t-elle gérée, etc.
Avec Barts par exemple, même si nous avons tourné là, vous ne pouvez pas tout bloquer. C’est toujours un endroit public. Alors quand nous tournons à Londres, vous ne pouvez pas couper certaines zones complètement parce que Londres a) ne vous permettra pas de le faire et b) juste l’aspect pratique de couper une zone aussi grande n’est pas possible. Alors vous parlez de ce qui se passe si vous obtenez une grande foule, etc. C’est étrange parce que nous n’avons jamais fait ça pour la saison 1. Dans la saison un, nous avons fait marcher Benedict [Cumberbatch] et Martin [Freeman] à travers Trafalgar Square sur Steadicam dans Le banquier aveugle et il y avait trois filles qui étaient intéressées à l’arrière parce qu’il y avait une caméra, mais à part ça, personne n’a sourcillé. Nous ne pourrions jamais le faire maintenant. C’est donc beaucoup de planification et beaucoup de réflexion.
Comme un directeur de la photographie, je suis en charge de trois départements. Le département des machinistes, le département électrique et le département de la caméra. Dans le département des machinistes, il y a généralement deux ou trois personnes – généralement deux personnes. Nous avons un système très différent du système américain ici, où nous avons un opérateur de chariot caméra et un assistant. Dans le département électrique, je travaille habituellement avec cinq éclaragistes. Nous avons un chef-électricien, un premier assistant éclairagiste et puis trois éclairagistes. Dans le département de la caméra sur Sherlock – à peu près tous les projets sur lesquels je travaille de ces jours, nous filmons sur deux caméras, alors j’opérerai une caméra, et il y aura un autre opérateur qui opérera la caméra A ou B. Cela dépend du projet. Il y aura deux premiers assistants opérateurs. Il y aura deux deuxièmes assistants opérateurs. Et il y aura habituellement un stagiaire et peut-être une personne faisant de l’assistance vidéo, la personne qui est en charge de tous les moniteurs.
Au cours de ce processus de pré-production, je fais parvenir toutes ces informations à mes départements. Le chef-électricien, le premier assistant éclairagiste, l’opérateur et le machiniste seront présents au repérage, alors lorsque nous visitons un endroit, ils me demanderont « Avons-nous besoin de telle chose ici? » Et je vais dire oui et pourquoi ou que ce soit.
Puis, quand arrive le jour 1 pour le Le cercueil vide, vous arrivez sur place, vous savez, un jour normal pour nous est de huit heures à dix-neuf heures. Alors j’arrive habituellement vers sept heures, environ une heure avant. Je prends le petit déjeuner soit à la maison ou sur le plateau. Pour Le cercueil vide, nous avons commencé avec la scène où Mme Hudson lavait sa poêle et Sherlock revient. C’était notre première scène.
Qu’est-ce que j’essaie de faire quand nous sommes dans le studio est que j’essaie de faire autant de pré-éclairage que je peux parce que nos journées sont très occupées. Nous tournons un épisode de Sherlock en vingt et un jours. Le studio est construit, meublé, décoré. J’essaie d’avoir une journée dans le studio avant de commencer le tournage où je peux mettre en place un éclairage de base à la fois pour le jour, la nuit et le soir. Quand je travaille dans le studio, j’ai tout sur des gradateurs. Je travaille uniquement avec de la lumière incandescente (au tungstène) dans le studio, ce qui est traditionnel, mais c’est la formule à privilégier. Toutes les lumières sont numérotées. Elles sont tous sur un gradateur. Elles sont toutes branchées à un grand bureau qui ressemble à une grande table de mixage comme dans un studio.
Le premier jour, nous arrivons et nous disons « Bon, quelle va être la première prise de vue ? » Alors que le premier plan est la lente poussée à travers la porte vers Mme Hudson. La première chose que nous constatons quand nous y arrivons, c’est que la porte n’a pas de finition à l’extérieur, car elle est construite comme un plateau. Alors Arwel Wyn Jones [concepteur de la production] avec qui j’ai une très bonne relation – nous sommes des amis, ainsi que ses collègues – vous avez un directeur artistique sur place qui est essentiellement en charge de s’occuper de la vision d’Arwel sur le plateau. La première chose que je dis au directeur artistique sur place, je dis « Le réalisateur veut une prise de vue qui passe par la porte, mais on ne voit pas le personnage à l’extérieur de la porte. Pouvez-vous appeler Arwel (parce qu’il est juste à l’étage supérieur dans le studio)? Pouvons-nous obtenir un bout de cloison et la mettre là juste pour faire fonctionner cette prise de vue? Donc c’est de la résolution de problèmes. Ce que vous ne voulez pas faire est de vous tourner vers le réalisateur et dire « Eh bien nous ne pouvons pas faire ça parce qu’il n’y a pas de finition sur l’extérieur du plateau. » Ce que vous dites est « Très bien, nous pouvons le faire. Ça va nous prendre dix minutes. Nous devons trouver un bout de cloison ». Nous finissons par obtenir un bout de cloison volé d’une autre partie du plateau, le posons, mettons une petite table avec une lampe dessus pour créer une bonne forme, et ensuite nous créons notre piste. Et c’est une prise réussie. Puis un gros plan sur la poêle frottée et c’est littéralement tout pour la journée. Vous devez avoir un horaire de la journée avec les scènes que vous avez à faire et où vous devez aller et vous passez à travers chaque scène et vous ne vous attardez pas sur les choses parce que tout le temps que vous passez le matin, vous ne l’avez pas en après-midi.

Photo de Steve Lawes par Robert Viglasky. Utilisé avec permission.
MJW : Alors tout est vraiment planifié longtemps à l’avance par le temps que vous êtes prêt à tourner ?
SL : Eh bien l’idée est que ça devrait être prévu, vous savez ? La réalité est que ça ne l’est jamais. (rires) Je veux dire, un très bon exemple – le problème, c’est que la production fonctionne à une vitesse telle que vous êtes toujours à courir après votre queue. Sur Le cercueil vide, à l’intérieur du wagon de métro, qui est un plateau construit, un superbe plateau construit par Arwel. Je suis arrivé le matin où nous étions censés tourner. Nous avons eu une journée entière pour tourner cette scène sur Steadicam avec les deux caméras et je suis arrivé le matin et Arwel et Daf [Shurmer], son directeur artistique, collaient des bouts de fil et ils avaient été debout toute la nuit. C’est comme quand quelqu’un a eu une fête lorsque leurs parents étaient partis et ils essaient de ranger (rires) et la peinture est encore humide. Parce que les choses changent tout le temps.
Et une autre chose qui a changée, c’est que le script a été modifié. Vous n’avez pas toujours un script final. Vous êtes censé avoir un script final lorsque vous démarrez, mais ce qui se passe est que, disons après trois jours, vous recevrez une réécriture – peut-être un des cadres à Londres dira « Je n’aime pas cette partie du script » ou « Je veux changer cela. » Et puis tout d’un coup, vous obtenez ce changement, donc tout ce que vous avez préparé est jeté par la fenêtre. Nous passons beaucoup de temps à se préparer et dans un monde idéal cette préparation se traduit en ce que nous faisons. Je dirais que 40 % de la durée de préparation est jetée par la fenêtre. La façon dont je travaille est que je veux être préparé et avoir plan A. Mon ancien patron disait quand les gens lui demandaient ce qu’il faisait comme travail, il répondait qu’il était un monteur de cirque. Et c’est vrai parce que ce que vous faites réellement est de la jonglerie. Il faut être incroyablement flexible. Alors vous avez ce genre d’idée de ce que vous voulez faire, mais vous devez être en mesure de changer d’avis et de faire autre chose très rapidement.
Paul [McGuigan] est un exemple pour la première saison. Ce que Paul fait en tant que réalisateur, c’est qu’il refusera toujours votre première idée. J’ai découvert très vite qu’en disant qu’il n’aime pas ce que vous suggérez d’abord, il tente d’obtenir quelque chose de mieux. Et c’est vrai, vous pourriez obtenir quelque chose de mieux ! Mais quand vous réalisez cela, vous savez que vous pouvez lancer une fausse piste parfois (rires) et puis lui donner votre idée réelle. Encore, c’est une relation.
Quelqu’un m’a demandé l’autre jour comment nous avons créé le look et le style de Sherlock. J’ai répondu, Paul et moi nous sommes assis… avez-vous vu le pilote ?
MJW : Oh oui, c’est extraordinairement différent.
SL : C’est vraiment bizarre parce que nous avons eu un pilote à regarder. J’avais déjà obtenu le poste par ce point. Paul [McGuigan] m’a donné le DVD et a déclaré « Qu’est-ce que c’était ? Dites-moi ce que vous pensez. » Et je connais le réalisateur et le directeur de la photographie qui ont travaillé sur le pilote et je sais qu’ils étaient sous contraintes budgétaires, etc. Mais la conversation que Paul et moi avons eu une fois que nous avons vu le pilote était que nous n’allions pas lui donner la même apparence. C’est presque comme si c’était un point de repère à ne pas à atteindre. Je pense que parce que nous avons eu cette référence … nous n’essayions pas seulement de faire mieux. Une des grandes choses au sujet de Paul est que Paul a de l’expérience en cinéma et il voit les choses en grand. Il y a une grande tendance dans le milieu de la télévision ou avec les gens en général de dire « Ça va faire l’affaire. » Beaucoup de choses feraient l’affaire et je pourrais passer mes journées à dire que ça ferait l’affaire et arriver à un résultat assez moyen. J’accepte que ça fera l’affaire. C’est mon travail de le rendre meilleur. Mon approche pour mon travail est – ce n’est pas de faire ce qui est évident. Ce n’est pas non-plus de faire quelque chose qui est … Je veux dire, vous voyez certaines série qui donnent prévalence au style plutôt qu’au contenu. C’est comme les publicités. Vous regardez beaucoup de publicités qui sont très belles, mais il n’y a pas de contenu.
Une des choses que nous avons toujours réalisé dès le départ pour Sherlock est que si vous avez Benedict [Cumberbatch] et Martin [Freeman] et vous avez un bon script, vous ne pouvez pas vraiment tout foutre en l’air. Vous devez vraiment essayer pour tout foutre en l’air. Ce que vous devez faire est de créer ce monde autour d’eux et travailler avec eux. Une des choses que Paul et moi avons décidé de faire avec … une des choses que j’essaie toujours de faire est de créer un monde qui entoure les gens, autour de l’histoire que vous faites. Et c’est ce que nous avons fait. Je veux dire, nous avons eu du mal sur la première série. Une grande partie du temps, Sue [Vertue], la productrice, pensait que les choses étaient trop sombres, pensait que nous étions trop téméraires. Elle pensait que nous étions sur le bord de ce qui était une sorte de … Il y a toujours cette dispute entre la télévision et le cinéma et ce que nous pouvons nous permettre de faire sur film. Je pense que c’est absurde. Le public est incroyablement instruit. Nous grandissons en regardant des films de Spielberg, en regardant de grandes œuvres du cinéma. Nous allons voir l’opéra. Beaucoup de gens sont déjà très instruits artistiquement au moment lorsqu’ils atteignent dix-huit ans. Et puis quand certaines personnes vous disent que le public ne remarque pas ou qu’il ne réalise pas ou … c’est un non-sens. Tout le monde a un œil et une compréhension. Ils ne sont peut-être pas en mesure de décrire quelles sont les différences, mais ils savent en voyant quelles sont ces différences. Je pense que c’est vraiment important. Je pense que l’une des choses que Paul [McGuigan] a apportées à la première saison a été une plus grande vision de la pensée « Nous allons faire cette série de la façon dont nous voulons la faire. » Qu’importe que ce soit de la télévision. Qu’importe que ce soit du cinéma. Faisons ce qui est le mieux pour la série. C’est ce qui est arrivé.
C’était très intéressant parce que quand nous avons fait la première saison où j’ai travaillé avec Euros [Lyn] sur le deuxième bloc [Le banquier aveugle] – c’est toujours étrange de travailler sur une série quand vous avez des réalisateurs différents. Vous vous habituez à un réalisateur et vous êtes habituellement fatigué à la fin du bloc où vous avez travaillé avec un réalisateur et puis le prochain réalisateur arrive et je les ai appelés le Lapin Duracell. Ils arrivent avec toutes ces idées, tout excités et tout le reste de l’équipe est crevé. Très rarement sont-ils en mesure de dire « J’aime vraiment ce que vous avez fait avant, et nous allons continuer ça. » Très souvent ce qu’ils veulent faire, c’est qu’ils veulent changer les choses parce qu’ils veulent faire les choses à leur façon. C’est assez difficile pour moi parce que vous configurez un style ou quelque chose et vous entrez dans ce type d’engin avec quelqu’un et soudainement, une semaine est passée et – vous avez été dans une relation. Vous avez travaillé si intensément avec quelqu’un et vous êtes presque comme dans une relation avec eux et tout d’un coup, vous êtes censé aller – oh, vous travaillez avec cette [autre] personne. Et parfois ça fonctionne et parfois ça ne fonctionne pas. Ça peut être difficile.
MJW : Vous avez tourné Le grand jeu tout d’abord, non ? Et puis c’était Le banquier aveugle, puis Une étude en rose? C’était à l’envers ?
SL : C’est vrai. C’était à l’envers. C’est vrai.
MJW : Donc vous allez entre deux réalisateurs et entre les deux vous avez Lyn [Euros], non ?
SL : Oui, je veux dire nous avons eu quatre semaines de préparation au début – Paul [McGuigan] et moi avons fait beaucoup de préparation et j’ai eu une semaine de préparation avec Euros. Nous travaillons dans différents systèmes. Aux États-Unis, vous avez une série comme Breaking Bad et vous aurez un réalisateur principal qui sera également producteur exécutif. Ce qu’ils vont faire, c’est qu’ils vont réaliser les premiers épisodes, mais ils auront aussi un contrôle éditorial sur les autres épisodes, donc la série a cette vision uniforme. Nous n’avons pas tendance à faire cela au Royaume-Uni. Nous avons tendance à avoir un réalisateur principal qui fait les premiers épisodes, ou le premier épisode, et puis nous avons un autre réalisateur par la suite. Si ce deuxième réalisateur veut changer ce format complètement – je veux dire, la production leur demande souvent de ne pas le faire, mais s’ils veulent arriver et dire « Eh bien en fait, je ne suis pas d’accord avec ce qu’il faisait, je ne veux pas faire de cette façon », alors ils vont le faire. Vous savez, car il n’y a personne qui dit « Attendez un instant, nous essayons de mettre en place une série qui a déjà un style particulier. » Je pense que c’est plus en fonction du script et je pense qu’il y a des épisodes de Sherlock qui sont meilleurs que d’autres. Et bien souvent c’est en fonction du script. C’est un endroit intéressant en tant que directeur de la photographie, où vous essayez de garder certaines choses en cours, mais ce n’est pas nécessairement ce que veut le nouveau réalisateur.
MJW : C’est l’une des questions j’avais, car il semble y avoir étrangement beaucoup plus de continuité, d’une certaine manière, dans la première saison de Sherlock. La troisième saison semble être … Je veux dire, elle est spectaculaire, mais il n’a pas cette … Je ne sais pas quel est le mot que je cherche, mais …
SL : C’est probablement ce que j’appellerais … Je pense que l’un des problèmes dont je pense que Sherlock souffre – et c’est assez intéressant parce que j’ai lu cela dans une critique l’autre jour, sur des séries comme Breaking Bad ou une grande série américaine, où vous avez treize, quatorze épisodes dans une saison. Hors de ces treize, quatorze épisodes, vous pouvez en avoir un qui ne fonctionne pas tout à fait. Vous pouvez en avoir un qui est complètement loufoque. Vous pouvez passer par tout cela. Avec Sherlock, vous avez trois épisodes. Et il faut attendre deux ans pour la diffusion de ces épisodes alors … Je pense que tous les trois épisodes de la nouvelle saison fonctionnent à leur manière, mais je pense que ça a changé depuis la saison 1. Je pense qu’avec la saison 1, les scripts étaient plus … C’était la première saison. C’est difficile parce que si cette saison était la première saison, alors nous pourrions en parler de la même manière. Le problème est que quand une série a du succès et vous continuez, vous allez toujours le comparer à ce qui s’est passé avant.
Une des choses que Benedict [Cumberbatch] m’a dit quand nous avons commencé la saison 3 – c’était à propos de la saison deux, à laquelle je n’ai pas participé – au sujet de Un scandale à Buckingham, qui est, je pense encore une fois, un très bon script. La dynamique entre Lara Pulver et Benedict est tout simplement incroyable. Cette chimie que vous voyez – tout le reste semble diminuer en importance, vous savez. Je pense que nous avons ça dans la saison 1 avec Moriarty. Vous avez cette dynamique à continuer. Évidemment avec le premier épisode de la saison 3 … la majorité est à propos de la réunion [de Sherlock et John]. Le deuxième épisode est centré autour d’un mariage, ce qui est très intéressant, car si vous pensez à l’original, même s’ils se marient il n’y a jamais eu un livre sur le mariage et je pense que c’est pour une bonne raison, parce que les mariages sont généralement des choses longues et fastidieuses, vous savez ? Mais cela ne signifie pas … Je pense que l’épisode fonctionne. C’est juste qu’en termes du Sherlock classique que nous avons créé dans la première saison, je pense que ce que Steven [Moffat] et Mark [Gatiss] diront est que c’est une série à propos d’un détective, pas une série de détective, ce qui est très vrai. Encore une fois, c’est le conflit à propos de ce qui est bon ou mauvais, ou ce qui est différent. Sherlock est devenu légèrement différent. Mais au dernier épisode, tout ça est remué à nouveau et revient un peu plus vers le style des saisons précédentes.
J’ai vraiment aimé travailler sur la première série. La première saison est probablement l’un des projets les plus difficiles que j’ai jamais fait, probablement l’une des choses les plus exigeantes que j’ai jamais faites. Si j’y repense, elle contient beaucoup de choses étonnantes.
MJW : Le grand jeu en particulier est tout simplement phénoménal, c’est tout simplement phénoménal. Une de mes scènes préférées est la scène du Golem. Pouvez-vous m’en dire un peu sur comment elle a vu le jour ? C’est tellement spectaculaire.
SL : Avec la projection ?
MJW : Oui.
SL : Il y avait cette scène avec le Golem, où ils devaient avoir cet affrontement et nous nous demandions « Où va-t-elle se dérouler ? » Je me souviens avoir eu cette conversation avec Paul [McGuigan] au sujet d’un planétarium à Londres, qui n’est plus là. Il faisait partie du musée de Madame Tussauds, mais j’y suis allé quand j’étais gamin et c’était un auditorium intérieur avec un dôme, où il y avait cette chose qui ressemblait à une fourmi dans le milieu qui était un projecteur [projecteur de planétarium Zeiss] et il projetait toutes ces étoiles et vous partiez en voyage autour de l’univers. Et ce fut une expérience vraiment intéressante pour un enfant. Une des idées était qu’ils allaient être dans cette auditorium. Je pense que Arwel disait que ça pourrait être un planétarium. J’ai déjà travaillé sur une série, Place of execution, où nous avons utilisé un projecteur avec un demi miroir argenté qui permet essentiellement à une partie de la lumière de traverser et une partie de la lumière de revenir sur le visage de l’acteur. C’était une esthétique magnifique. J’ai suggéré que nous ayons cette projection sur l’écran, mais lorsque nous entrons dans cette lutte, nous utiliserions le projecteur comme une source de lumière, mais aussi pour créer cette cacophonie de couleurs et de contrastes.
Une des choses que nous utilisons beaucoup pour Sherlock sont des lentilles sans revêtement, les anciennes lentilles sèches à haute vitesse. Quelqu’un s’assoie et frotte tout le revêtement de l’avant des lentilles, tous les trucs qui sont censés réduire les reflets de lentilles sont enlevés. Ce que vous voyez dans cette scène en particulier est lorsque vous avez une projection ou toute source de lumière dans le cadre, vous obtenez ces superbes halos et reflets de lentille sphériques. J’ai demandé au département d’art d’obtenir un autre projecteur avec d’autres images que je pourrais utiliser manuellement et projeter contre les visages. Lorsque John a son arme et ce genre de trucs. Nous avons parlé de choses comme la synchronisation, pour obtenir l’explosion à la fin quand il fait feu. J’aimerais m’asseoir dans une interview et dire que tout a été prévu, mais ça ne l’était pas. La plupart sont le fruit du hasard. C’est arrivé comme ça, vous savez. Ce qui est intéressant à propos de cette scène, c’est que nous l’avons tournée en environ une heure. Nous étions tellement en retard au moment où nous sommes arrivés pour tourner cette scène que Paul a dit à peu près « Faisons ce que nous avons à faire » et j’ai dit « Allons-y aux caméras manuelles et filmons ce truc ». Ce mec, ce gars qui joue le Golem, est énorme. C’est assez énervant de le côtoyer. Il n’est pas un cascadeur, vraiment. Il n’est pas un acteur non-plus, il est juste une sorte de grand gars. C’était assez drôle parce que nous avions un cascadeur et il y avait cette fois où il étranglait presque Martin [Freeman] (rit et fait semblant de se faire étrangler).
C’est un excellent exemple de situation où vous avez très peu de temps, ça a tendance à vous forcer à vous concentrer. Qu’est-ce qui se passe quand vous êtes à court de temps, c’est que vous roulez sur instinct. Si vous avez tout le temps du monde, vous y asseyez et vous délibérez. C’est comme aller dans un restaurant et regarder un menu et la première chose que vous regardez et décidez est la bonne chose. Quand vous avez beaucoup de temps, vous passez à travers le reste du menu et vous changez d’avis et vous commandez autre chose quand vous devriez vraiment avoir commandé la première chose que vous avez regardée. Et c’est exactement la même chose quand nous faisons ce que nous faisons. Si vous avez beaucoup de temps vous entrez là et vous pensez « Je pourrais le faire de cette façon, de cette façon, et de cette façon. » Quand vous n’avez pas de temps vous entrez et dites « Bon. Nous allons faire ce nous allons faire », et vous vous concentrez et vous faites les choses instinctivement et cette scène est un excellent exemple de choses faites instinctivement. Probablement à la fin de la journée, nous sommes partis en pensant « Mon Dieu, avons-nous vraiment réussi la scène ? L’avons-nous fait ? » Avec un très bon travail d’édition par Charlie [Phillips], vous voyez en résultat une scène superbe.
MJW : Absolument. La scène a-t-elle été volontairement inspirée par le film muet [Le Golem] ? La coloration et ainsi de suite ? Le savez-vous ?
SL : Je veux dire, des parties l’étaient. Ce n’est pas quelque chose dont nous avons beaucoup parlé. Nous avons tendance à parler beaucoup de la couleur. Une des choses en quoi je crois c’est le contraste par la couleur – c’est probablement pourquoi, lorsque vous regarderez une grande partie de mon travail vous verrez – probablement pas tant dans La mort s’invite à Pemberley parce que c’est d’époque, mais dans tout mon travail contemporain, vous verrez beaucoup de lavande, beaucoup d’indigo, beaucoup d’autres couleurs que vous ne voyez pas normalement. Comme dans Une étude en rose, j’ai utilisé beaucoup de lavande en arrière-plan des prises de vue. J’aurais voulu le garder, mais quand Benedict a vu la première saison, il m’a laissé un message téléphonique pour me dire que tout était tombé en place, tout ce que j’avais fait. C’était merveilleux, car très peu de gens voient les petites choses que vous faites. Je veux dire qu’il y a des gens qui le voient, mais quand les gens le voient c’est très flatteur qu’ils comprennent. C’est la raison pour laquelle vous faites votre travail. La motivation pour moi avec Une étude en rose – ce n’était pas seulement l’histoire, mais parce que nous tournions dans Londres contemporaine, je voulais lui donner une impression victorienne. Je voulais créer cette « Victoriana » pour le film. Ce que je voulais faire était de s’éloigner du gros – ce que la plupart des gens ont tendance à faire est lorsqu’ils filment une scène de nuit à l’extérieur est qu’ils mettent une lampe à lumière du jour sur une nacelle et font du rétroéclairage sur une route et que vous obtenez ce grand éclat sur la route, une grande scène rétro-éclairée. Ça fonctionne pour beaucoup de choses, mais ça fait très Maman j’ai raté l’avion (Home Alone) – ce truc avec l’étoile. C’est assez gros et frappant. Je me suis éloigné de ça il y a longtemps, je veux créer un extérieur nocturne qui est comme l’extérieur nocturne que vous voyez vraiment. Comme la conversation que nous avions sur twitter à propos de Gregory Crewdson – ce que j’aime dans le travail de Crewdson est qu’il capte ce que je ressens que nous voyons vraiment avec nos yeux même si c’est renforcé et c’est exagéré. C’est cette idée de la lumière de sodium, ce genre de rayonnement que vous obtenez de la lumière de sodium, la lumière fluorescente, tous ces différents tons et couleurs, vous savez comment ils reflètent du trottoir, comment ils reflètent de la route, des choses humides, vous savez. J’énerve toujours la production parce que je veux des routes mouillées.
Avec Sherlock, nous étions limités avec les choses que nous pouvions utiliser en termes de grosses lumières, mais je ne voulais pas utiliser une grande lumière en arrière-plan, qui est la chose traditionnelle à faire. Je voulais créer des zones de lumière. Je voulais créer de la profondeur par des zones de lumière. Je voulais créer des bokeh et je voulais ces contrastes et cette couleur dans le cadrage. C’était quelque chose que j’avais fait avant dans une autre série où vous prenez un gel de couleur, lavande par exemple, et vous le mettez sur une lampe et vous le faites refléter contre le mur ou contre un arbre. Le but est que vous regardez cette lumière et pensez « Mais d’où vient cette lumière ? » parce qu’elle est éclatante et lavande, mais si vous réussissez et elle est périphérique, c’est juste un peu de ton dans l’arrière-plan, surtout si c’est un peu flou. Dans un cadre où vous avez un acteur ici (fait un cadre avec sa main et pointe l’acteur sur le côté du cadre) et tout ce bout flou ici (fait un geste vers le reste du cadre), ça devient une ombre et une couleur. Je passe la moitié de mon temps à me soucier de Benedict et je passe la moitié de mon temps à me soucier de ce bout flou ici. C’est tout le cadre qui est intéressant. Si vous vous souciez seulement de ce bout-là et ne vous préoccupez pas de l’autre bout, alors ça devient assez ennuyeux, alors vous devez vous soucier de l’acteur, mais vous devez aussi vous soucier du reste du cadre.
Et c’est là que je parle de Crewdson. Si vous regardez une image de Crewdson, c’est comme un tableau. C’est comme un maître hollandais : vous pouvez regarder des parties de l’image, vous pouvez rester là. C’est ce que j’essaie de faire avec ma cinématographie. J’essaie de créer des cadres que l’on pourrait afficher et les gens pourraient les regarder et dire « Il y a de la profondeur dans le cadre », ce qui m’amène à l’importance du cadrage et des relations dans le cadre. Il y a beaucoup de gens qui ont parlé de Paul [McGuigan] qui utilise la règle des tiers, et sans manquer de respect à Paul, il n’a jamais jamais dit quoi que ce soit sur la règle des tiers. Je travaille sur la section d’or, qui est fondamentalement la règle des tiers, qui est la façon dont vous disposez les choses dans un cadre. Vous n’avez qu’à regarder les beaux-arts et regarder le cadrage dans les beaux-arts et dans n’importe quel tableau connu particulier, vous verrez que tout est dans une partie spécifique du cadre pour une raison. Ça raconte une histoire. L’histoire est racontée par où les choses sont en relation avec le cadre, qu’elles soient centrales dans le cadre ou périphériques. Parfois je vais filmer quelqu’un et je vais encadrer seulement la moitié de leur visage. C’est un cadre non conventionnel, mais vous dites en fait quelque chose de très important avec cette image. Je mets très rarement des gens au milieu du cadre – c’est quelque chose que les gens font tout le temps. Je mets seulement quelqu’un dans le milieu de l’image lorsque je veux vraiment insister sur leur importance. En tant que directeur de la photographie, je passe la moitié mon temps à penser au cadrage, tout comme la lumière, parce que je pense que l’histoire est racontée par l’intermédiaire de l’image.
Je suis un grand fan des films asiatiques, coréens. Le gros plan n’est jamais sur celui qui parle, mais sur la personne qui l’écoute. Ce n’est pas à propos du dialogue, c’est à propos de la façon dont vous présentez l’histoire. Aussi des choses comme Krzysztof Kieślowski – une de mes grandes inspirations en termes de film, pour faire ce que je fais. La trilogie trois couleurs,Le Décalogue. Si vous regardez ce que fait Kieślowski, il raconte une histoire visuellement. Assez souvent dans un film de Kieślowski, vous n’aurez aucun dialogue pendant un certain temps, mais vous savez exactement ce qui se passe, ou c’est en polonais, mais vous savez toujours ce qui se passe parce qu’une histoire est racontée. Comme directeur de la photographie, une des choses les plus importantes pour moi est de raconter une histoire. Ma photographie et mon éclairage doivent compléter l’histoire. Si jamais ils portent atteinte à l’histoire, alors je ne fais pas mon travail.
Quand je vais au cinéma pour regarder un film – je suis allé voi Gravité en 3D et j’ai horreur des films 3D.

Photo de Steve Lawes (L) et Matthew Rhys (R) comme Fitzwilliam Darcy (dans La mort s’invite à Pemberley) par Robert Viglasky. Utilisée avec permission.
MJW : Vraiment ?
SL : Oui, je ne peux pas les supporter. Je suis allé le voir parce que mon ami Olly a travaillé dessus et on m’a dit que c’est révolutionnaire et vous savez, je dois dire que je l’ai aimé. J’ai pensé que c’était incroyable. Une des choses que je fais quand je vais au cinéma est – c’est assez difficile pour moi de ne pas voir toutes les coutures, de ne pas de voir tous les bouts et les morceaux qui composent l’ensemble. Je vais voir Gravité et je suis conscient de ce plan d’ensemble au début, mais après environ 10 minutes, je suis complètement absorbé dans le monde de Sandra Bullock et c’est comme un tour de montagnes russes. Mon cœur bat à toute vitesse et je regarde ce film et comme ça (claque des doigts) les quatre-vingt-dix minutes sont passées. Et je me dit « C’est génial. » Je me suis évadé, vous savez, j’ai été plongé dans le film. Ça n’a pas d’importance comment ils ont fait l’éclairage, ça n’a pas d’importance comment ils ont fait la CGI, ça n’a pas d’importance comment ils ont fait tous les trucages. Pour moi, Gravité fonctionne parce qu’en fin de compte, il y a une histoire qui est racontée. Tout le reste – toutes ces réalisations techniques étonnantes sont là pour soutenir cette histoire. Pour moi, c’est ça de la brillante création de films.
MJW : Alors, comment savez-vous quelle histoire vous racontez ? Parce que vous avez le script, et les acteurs, les gestes qu’ils vont faire, les écrivains et le réalisateur décident-ils quel est la signification et alors vous exécutez cela? Qu’entendez-vous par la création d’une histoire? Quelle histoire? Le sous-texte? L’atmosphère?
SL : Je pense que c’est la façon dont je vois l’histoire. Qu’est-ce que j’ai tendance à faire quand je bloque une scène, je veux dire, je vais prendre Sherlock en exemple, puisque nous en parlons. Donc, si nous sommes dans 221B et nous avons une scène entre Benedict et Martin – et ce serait la même chose dans n’importe quel projet que je fais – les acteurs arrivent sur le plateau. Ils ont une page de dialogue à faire. Ils font une répétition où ils vont seulement dire leur dialogue sans même penser à où ils vont se tenir ou quoi que ce soit. Si vous avez de bons acteurs comme Benedict et Martin, ce qu’ils vont faire, c’est qu’ils seront déjà dans la peau de leur personnage quand ils font cette répétition. Parce qu’ils n’ont pas été informés par un réalisateur qu’ils ont besoin de se tenir près de la fenêtre ou je ne leur a pas dit qu’ils ont besoin de s’asseoir ou quelque chose comme ça, assez souvent ils font des choses pendant cette répétition qui sont très naturelles. Grâce à leur langage corporel, il se pourrait que l’un d’eux se détourne de l’autre personne, ou que l’un d’eux s’approche de l’autre personne. Très souvent, ils font des choses qui sont très organiques et vraisemblables. Et pour moi, c’est ça l’histoire. L’histoire est que vous avez ces deux personnes et ils parlent de quelque chose. L’histoire est à propos de la condition humaine. Il s’agit de la façon dont nous sommes en tant qu’êtres humains, la façon dont nous sommes touchés l’un par l’autre. Je pense que c’est quelque chose que nous faisons et savons instinctivement, même si nous n’en sommes pas conscients. Pour moi, c’est ça l’histoire. Et ce que je pense que j’essaie de faire est d’essayer de préserver cela. Alors, quand nous arrivons à faire une répétition et le réalisateur commence à dire « Pourquoi ne l’essaies-tu pas assis dans le fauteuil ? », Benedict pourrait dire « Bien, je ne pense pas que je serais assis dans le fauteuil », alors je pourrais arriver et dire « Il y a cette chose vraiment intéressante que tu as faite pendant la répétition, c’est que tu t’es éloigné et tu as regardé par la fenêtre » et il va dire « Ouais, ouais » et je vais dire « Je pense que c’est vraiment intéressant parce que tu l’as fait sur un tel rythme et je pense que c’est tout à fait prenant parce que … » C’est quelque chose qui se passe avec les réalisateurs avec qui je travaille, c’est que je m’implique dans le processus du langage corporel et la forme et ce que les gens font parce que pour moi, ce que je fais est de regarder tout ça en termes de la condition humaine et en termes de la façon dont nous réagissons à la situation et ce que je veux faire, c’est capturer ça, préserver ça, et pour moi, c’est ça l’histoire.
Quand je parle de l’histoire, c’est ce sens … Si vous êtes regardez une scène et ce que vous voulez ressentir quand vous la regardez est – vous savez, comment vous regardez certaines émissions et vous pensez « Personne ne ferait cela. Les gens ne font pas ça. » C’est un peu comme quand les gens conduisent comme ça (met les mains sur un volant imaginaire et le tourne d’un côté et de l’autre de manière exagérée). Lorsque les gens font des choses comme ça, ça brise l’illusion de ce que nous faisons. Une des choses importantes pour moi est d’essayer de capturer une scène en étant aussi souple que possible, mais aussi de voir les nuances subtiles que les gens ont et les capturer. Ça devient ce que vous voyez. Si vous pouvez capturer ces petits moments spéciaux, vous pouvez raconter l’histoire. C’est ça qui est important pour moi.
MJW : Je pensais juste au cadrage de la scène dans Le grand jeu où Sherlock a les chaussures de sports [baskets] et il regarde les lacets et il est montré par le biais de deux ou trois fenêtres différentes. Pouvez-vous m’en dire un peu sur comment ce cadrage a été créé ?
SL : Ce n’est pas réellement le laboratoire, le laboratoire où nous tournons. C’est une autre pièce dans le même bâtiment, mais parce que quand nous avons tourné dans le laboratoire nous avons toujours gardé les fenêtres fermées pour créer cet environnement de ce laboratoire. Paul [McGuigan] voulait avoir ce point de vue de [Sherlock] par le biais de la fenêtre, et le seul moyen par lequel nous pouvions faire cela est par cette pièce que l’on pouvait voir depuis une autre pièce en passant par un atrium, alors c’est deux cadres, puis Benedict, donc c’est une image complètement fabriquée. Où il est n’a rien à voir avec le laboratoire du tout. Nous aimions l’idée du cadre dans le cadre. Paul et moi aimons l’idée de filmer à travers les cadres et de trouver des gens à travers les choses. C’est un autre exemple de ce que vous faites dans la vie réelle. Vous avez très rarement cette parfaite vue directe des gens.
J’adore la prise de vue partielle dans Chinatown de Faye Dunaway. Quand ils ont filmé les épreuves, les producteurs sont revenus et ont dit « Mais il faut vraiment la montrer. » Le réalisateur s’est retourné et a dit « Eh bien vous viendrez à la projection des épreuves et vous verrez ce qui se passe. » Littéralement, lorsque l’image arrive, tout le monde fait (se penche pour regarder hors de l’écran pour le reste de l’image) (rit) vous essayez de regarder à l’intérieur de l’écran. Ce sont toutes des choses pour jouer.
C’est la même chose pour ce cadre dans Sherlock. C’est un grand cadre avec cette autre boîte et une petite boîte et puis il y a Benedict. La prochaine chose que vous savez, vous êtes dans ce petit gros plan. C’est l’établissement du monde où il est, mais en entrant dans ce … La seule que Kieślowski a fait beaucoup dans Trois couleurs: Bleu est qu’il a utilisé les prises de vue macro des petits détails tout le temps et c’est pour montrer que le personnage de Juliette Binoche est très limitée par sa vue sur la vie. Chaque fois que c’était dans son point de vue, tout a été tourné en petits gros plans. Je pense que c’est une idée vraiment intéressante. Vous essayez d’obtenir cette perception de la manière que quelqu’un voit ou à certains égards, vous forcez l’auditoire à voir les choses d’une certaine manière, à avoir ce point de vue. Tout cela fait partie de la trousse à outils que nous avons pour raconter l’histoire.
MJW : Une des choses qui est si intéressante dans la saison 3 est de voir les choses du point de vue de Sherlock et c’est tellement différent d’une manière que je ne peux pas vraiment quantifier. Qu’est-ce qui est différent ? À un moment donné, je pense que vous avez mentionné que vous avez utilisé des caméras différentes pour le point de vue de Sherlock ? Est-ce que c’est le cas ?
SL : Nous n’utilisons pas de caméras différentes pour son point de vue. Ce que nous avons utilisé dans Le cercueil vide était deux caméras ensemble dans une sorte de configuration convergente stéréoscopique. Donc beaucoup de choses où il est dans son palais mental ou dans le métro et vous le voyez aller et venir, c’est une chose nouvelle que nous avons découverte pour la troisième série. L’idée originale du point de vue de Sherlock reposait toujours sur la prise d’images fixes. J’ai eu cette idée et Paul [McGuigan] voulait – pour la première saison, nous avons agonisé sur comment nous montrerions le monde différemment du point de vue de Sherlock. Une des choses que nous avons parlé était de tourner la scène deux fois dans deux styles différents, ce qui est une excellente idée, mais c’est plutôt irréalisable en termes de production parce que vous avez besoin de deux fois plus de temps, et aussi c’est vraiment bizarre de penser à comment vous le referiez par rapport à comment vous l’avez déjà filmé. Nous faisions un remue-méninge à ce sujet et j’ai eu cette idée de – je l’avais fait dans une série une fois où nous avions pris une série de photos d’un gros plan dans les yeux de quelqu’un et puis nous avons monté les photos ensemble. En gros, le gars s’injectait de la drogue et c’était l’idée de capturer ce moment-là où la drogue entrait dans son corps et nous voyons ses pupilles se dilater. Je parlais de cela à Paul, et même s’il est un réalisateur très visuel, il ne peut pas comprendre quoi que ce soit à moins qu’il ne le voit. Je me souviens d’être rentré à la maison avec mon iPhone et d’avoir pris une série d’images fixes d’une pièce jusqu’au visage de ma femme et puis avoir compilé la petite vidéo et l’avoir mise sur mon téléphone, et ensuite de l’avoir amenée au travail le lendemain, et c’est ce qui a donné la vision de Sherlock que vous connaissez et aimez maintenant. Je lui ai montré la vidéo et a dit « Oui, j’aime vraiment ça. » C’était cette idée que vous commencez ici et vous allez vers quelque chose et vous le faites en série de clichés. Nous avons fait ça pour la saison 1 et ils l’ont continué en quelque sorte pour la saison 2 et pour la saison 3 … Je pense qu’il s’agit du fait qu’avec un autre réalisateur, il ne comprend pas nécessairement ce que vous avez fait avant, je veux dire, vous leur parlez de l’idée des images fixes, mais a) je ne suis pas complètement certain qu’il l’a comprise, et b) ils veulent faire quelque chose de différent parce que vous savez, c’est la troisième saison et Jeremy [Lovering] est le premier réalisateur et il veut faire quelque chose de différent. Donc, nous avons déniché l’idée des deux [caméras Canon] 5D ensemble. C’était l’idée que si vous définissez un point de convergence et vous avez quelque chose qui bouge à un moment donné, vous obtiendrez ces deux images qui vont converger, puis diverger. C’est essentiellement une continuation de son palais mental – essayer de créer visuellement quelque chose de différent pour exprimer ce qui se passe dans la tête de Sherlock.
MJW : C’est superbement fait. Je pense que les scènes dans le métro [du palais mental], chez les fans, ont été parmi les moments préférés de la saison.
Comment était-ce de tourner la résolution La chute du Reichenbach de trois manières différentes ? Tout d’abord, vous revenez et vous avez eu cette foule immense – ça a dû être quelque chose à gérer. Avoir à faire la même chose de trois manières différentes, comment avez-vous approché cela ?
SL : Ce qui s’est passé avec la chute est que nous avions le matériel qui avait déjà été filmé de la fin de la saison deux. C’est assez intéressant parce que cela s’est produit dans les deux [dernières] saisons. Le point culminant de la saison 1 a été tourné à la piscine. L’équipe de la saison deux a ensuite dû retourner à la piscine pour continuer [cette scène à la piscine] pour [le premier épisode de] la deuxième saison. Idem pour la saison 3. Nous avons dû retourner à Bart’s. En ce qui concerne les trois différentes [résolutions de la chute], c’était difficile d’une manière parce que nous avions deux jours à l’extérieur de Bart’s avec une énorme quantité de travail à faire. Juste en termes du saut à l’élastique, le coussin gonflable et essayer de couvrir tout ça d’une manière qui permet de créer tous ces différents scénarios. La façon dont tout cela a fonctionné en pré-production, c’est que tout le monde était au courant de tout, sauf de la véritable histoire. La plupart des gens ont un script qui avait une – vous savez quand ils sont dans le métro ?
MJW : Oui.
SL : Quand la bombe est sur le point d’exploser, et il explique ce qui s’est réellement passé – cette partie était manquante dans le script spécialement pour qu’elle ne soit pas divulguée à qui que ce soit. Alors très peu de gens en production ont effectivement eu des scripts avec ce bout d’informations. En ce qui concerne le tournage, nous avons passé deux jours à tourner ces scènes.
D’un point de vue logistique, nous tournions plusieurs scènes à la fois. Nous devions filmer Sherlock à partir du sol vers le toit de Bart’s. Nous a filmé [une coupure au ralenti du] saut à l’élastique à 1000FPS sur une caméra Phantom. Nous avons filmé ça, puis nous avons utilisé un monte-charge à ciseaux pour qu’il [Benedict Cumberbatch] puisse sauter sur le sac gonflable. Il a fait un saut sur le sac gonflable à partir d’un niveau inférieur et le cascadeur a sauté d’un niveau supérieur. Nous avons mélangé plusieurs choses et c’était épuisant. Je pense que nous avions quatre ou cinq caméras. J’avais un talkback, que je déteste utiliser. La seule raison pour laquelle je l’utilise, c’est que pour les grosses journées comme ça quand je parle au réalisateur, je parle de ce que nous allons faire ensuite, alors tout le monde dans mon équipe sait ce que nous allons faire. Ce n’est probablement pas la journée de travail la plus agréable parce qu’au bout du compte, il y a tellement de variables. Il y a tellement de coûts encourus en raison de la grue. La foule est qu’une partie des choses que vous avez à gérer. Ce type de jours se ressentent plutôt comme une réalisation logistique que toute autre chose. Vous avez des petits moments où vous obtenez de bonnes images, mais vous essayez de faire tellement de choses en deux jours que, je déteste dire ça, mais vous cochez les prises de vue de votre liste et c’est tout. Nous avons utilisé un peu la deuxième unité. Tous les trucs dans l’ascenseur avec le masque ont été tournés par la deuxième unité par mon opérateur. C’est le genre de chose que vous approcheriez normalement en disant « Ce serait formidable si nous avions eu sept jours pour tourner cela car nous pourrions vraiment prendre notre temps. Nous pourrions … » Mais ça n’arrive pas dans le monde de la télévision. Nous avons très rarement ce genre de temps, donc vous tentez simplement de raconter l’histoire et d’obtenir les prises de vue.
MJW : Cette question pourrait revenir sur le fait que cette fin particulière n’était pas dans le script. Je ne sais pas, mais beaucoup de gens étaient un peu confus au sujet de la raison pour laquelle il y avait cette interruption de la scène de la bombe pour raconter cette histoire, l’histoire vraie. Avez-vous des idées à ce sujet … Pourquoi cette histoire a été intégrée dans la scène de la bombe ? Je pense que les gens pensaient « Oh, ce sera quelque grande confession entre John et Sherlock » ou un moment quelconque et puis cette coupure entre en jeu. Je me demandais si vous aviez des idées à ce sujet.
SL : Je n’en ai pas vraiment vous savez. Je sais exactement de quoi vous parlez parce que je me souviens que j’ai pensé moi-même que ça semble un peu décousu de couper à la confession de Sherlock, mais j’ai supposé que c’est la structure, la façon dont ils ont structuré le script. Je suppose que je ne l’ai pas vraiment remarqué parce que dès le début je travaillais avec un script qui n’avait pas cette scène. Lorsque je l’ai eu en fait c’était très différent. Peu importe. C’est peut-être un peu de ça, mais je ne pense pas que j’ai une opinion vraiment sur pourquoi c’est comme ça.
MJW : Alors, quelles sont vos moments préférés ? Je veux dire si vous les avez, je sais que certaines personnes n’aiment pas classer les choses, mais avez-vous des moments particuliers dans Sherlock dont vous êtes vraiment fier, des scènes particulières qui se démarquent pour vous ?
SL : Je pense qu’en termes de la saison 1, je pense que j’aime lorsqu’ils descendent de l’escalier, sortent et entrent dans le taxi, « C’est parti pour un tour » – ce bout-là. J’aime vraiment la scène avec Benedict, où il parle au prisonnier. Est-ce dans Le grand jeu?
MJW : Oui – la scène de la Biélorussie.
SL : Oui. J’aime celle-là pour plusieurs raisons. Pour moi, c’est de la grande écriture par Mark [Gatiss]. J’aime la correction de la grammaire. Ça fonctionne très bien. Je pense que l’autre gars [Matthew Needham qui joue M. Berwick] est brillant, ainsi que Benedict. C’était la nuit quand nous l’avons tournée. J’ai dû l’illuminer pour le jour. C’était un endroit très difficile. C’était glacial, mais c’est quelque chose que j’aime beaucoup.
En termes d’éclairage, j’aime le studio. J’aime 221B. En particulier au cours de la saison 1. Lorsque vous regardez le pilote et vous regardez le plateau, ça a l’air d’un plateau. J’ai ce problème réel avec les plateaux. Je ne peux pas supporter de regarder des séries où l’on voit qu’ils sont sur un plateau de tournage. Vous savez, pour moi la façon dont j’éclaire est que j’aime utiliser une grosse source hors du plateau. J’aime quand elle entre sur le plateau et j’aime qu’elle rayonne comme la lumière réelle le fait. Je passe ma vie à regarder le soleil entrer dans une pièce et refléter de quelque chose dans la pièce et c’est ce que je voulais faire avec 221B. Je ne voulais pas créer un environnement comme les films de Robert Downey Jr., qui sont très stylisés. Je voulais juste créer un environnement crédible. Que les gens croient qu’il y a une rue à l’extérieur et qu’il y a de la vie qui se passe en dehors de cette fenêtre.
MJW : (rire) Lorsque j’ai vu le plateau, j’ai été un peu déçue. Il m’a fallu un peu de temps pour tout réconcilier parce que c’est tellement réel pour moi – de voir quand Arwel [Wyn Jones] montrait l’assemblage du plateau [sur twitter], c’était — « Oh ! (pose ses mains sur son cœur) Ça l’est vraiment ! C’est faux. »
SL : Je suis fier de cela.
Il y a de nombreux autres moments. C’est drôle parce que je n’avais pas vu la première saison depuis un certain temps et puis nous l’avons regardée pour la nouvelle saison et j’ai regardé la saison deux également. C’est tout à fait intéressant de regarder la saison deux, n’ayant pas travaillé dessus. J’ai vraiment aimé Un scandale à Buckingham. Les chiens de Baskerville n’a pas fonctionné pour moi. La chute du Reichenbach, j’ai pensé, en fait … J’ai vraiment aimé. J’ai pensé que c’était un vraiment intéressant et énergique … En fait, j’ai pensé que c’était un bel hommage à ce que nous avions fait pour la saison 1. C’est bizarre parce que Toby [Haynes], qui l’a dirigé, n’est jamais revenu. C’est comme avec la saison trois, quand je regarde le troisième [épisode]. Vous regardez ce que quelqu’un d’autre fait, et vous pensez « Je n’aurais pas fait cela » ou « J’aurais pu faire cela. » Neville [Kidd, directeur de la photographie pour Son dernier coup d’éclat] a fait des choses intéressantes. Il a fait des choses différentes de ce que je ferais.Une des choses que je pense à propos de la saison 3 est que je pense que Nick Hurran, le réalisateur [de Son dernier coup d’éclat], et aussi Steven [Moffat] avec l’écriture, tentaient de revenir au genre d’histoire « c’est ce que Sherlock fait. » Avec toute l’histoire sur … quand [Mary] tire [Sherlock], c’est la façon dont il voit le monde, comment Sherlock voit le monde, et je pense que sur les épisodes un et deux, vous ne le voyez pas autant. Si il y avait dix épisodes et vous passiez un épisode sur la réunion et un épisode sur le mariage, alors ce n’est pas un problème. Mais quand vous n’avez que trois épisodes et deux épisodes sont passés, faire un peu de ménage c’est intéressant.
Je suis très bon ami avec Mark Gatiss …
MJW (interrompt avec enthousiasme) : The Tractate Middoth était tellement cool!
SL : Merci. Je veux dire, Mark est la personne hors de tout le monde de Sherlock avec qui j’ai forgé une très bonne amitié. Il est un des hommes les plus charmants que j’aie jamais rencontré. Il est si généreux et extrêmement talentueux. Il est une de ces personnes que vous êtes vraiment heureux de voir tous les jours. Il est un mec génial en tout point. Je pense que nous espérions qu’après The Tractate Middoth – c’était son début en tant que réalisateur et il m’a demandé quand nous tournions Sherlock si je le ferais et j’ai dit que j’aimerais le faire, oui. Mais il a d’autres choses de prévues, je pense des choses meilleures et plus grandes. Il veut réellement faire un film d’horreur un jour.
MJW : Oh, ça serait parfait. J’aimerais vraiment voir ça.
SL : Nous sommes tous les deux de grands fans de la Maison de tous les cauchemars, ce genre de chose, alors nous partageons une passion pour cela – The Tractate Middoth – le style vieux jeu comme Les Contes de la crypte – parfait. C’est tout simplement génial.

Photo de Steve Lawes par Robert Viglasky. Utilisée avec permission.
MJW : Une des scènes les plus aimées par les fans de la troisième saison est la tournée des bars – Sherlock ivre. Est-ce que vous pouvez m’en parler un peu ? Entendez-vous la bande sonore d’abord ? Saviez-vous que ça serait une piste audio dubstep ? Aviez-vous une idée ?
SL : En quelque sorte, oui. Je veux dire, nous en avons un peu parlé, mais le concept de la tournée des bars est venu de … Colm [McCarthy], le réalisateur, et moi-même avons beaucoup parlé à ce sujet et nous avons parlé de cette idée où ils deviennent de plus en plus ivres, et ce récit devient partie de la manière que nous l’avons tournée, alors … C’est tout filmé sur lentilles d’inclinaison / décalage Tilt Shift. Une lentille d’inclinaison / décalage Tilt Shift ressemble à une vieille lentille de soufflet et ce qu’elle vous permet de faire est plutôt que de faire la mise au point de l’avant vers l’arrière, il a tendance à être sur le côté du cadre. C’est vraiment difficile de travailler avec ces lentilles, parce que quand vous filmez des acteurs, c’est très difficile de garder les choses claires, mais c’était absolument parfait pour ce que nous voulions faire. Nous avions deux jours. Un jour sur place, qui était tous les pubs, et je dois dire qu’il y a des kilomètres de séquences qui ont été coupés.
MJW : S’il-vous-plaît dîtes aux responsables concernés que nous les voulons ! Nous, les fans de Sherlock, les voulons désespérément !
SL : Quand j’ai vu l’épisode, j’ai été en fait assez déçu, car nous avons passé une journée entière. Nous sommes allés à environ douze pubs et bars et nous avons tourné toutes ces petites scènes où ils deviennent de plus en plus ivres. Et je pense que seulement quatre d’entre elles se sont retrouvées dans le film. Certaines d’entre elles étaient absolument incroyables.
MJW : Pouvez-vous nous dire quelque chose sur l’une d’entre elles ? Peut-être une ?
SL : Je ne sais pas … C’était une superbe journée parce que c’était un tournage de nuit et nous nous sommes retrouvés à commencer à seize heures, alors c’était littéralement comme être à l’enterrement de vie de garçon, sans le plaisir de pouvoir boire. Nous allions de bar en bar et nous tournions littéralement une ou deux prises, puis nous passions au bar suivant. Je pense que ce qui est bon en termes de processus, c’est que vous pouvez improviser au fur et à mesure. Ce fut une expérience très ouverte. C’est comme quand on monte à l’appartement où il est malade; par le temps que nous arrivons à ce moment-là, nous avons complètement écarté toute idée de ce qui est normal. C’est cette idée d’être de plus en plus téméraire jusqu’au point où presque tout est flou. Je me souviens que Sue [Vertue], la productrice, s’est retournée et a dit « Je suis vraiment inquiète à propos de ça. Je pense que nous devons faire une prise avec un objectif normal », et nous avons répondu « Non ». Le problème est que si vous faites une prise sur l’objectif normal, ce qu’ils vont faire en fin de compte est qu’ils vont vous forcer à l’utiliser. Vous devez presque éditer directement dans la caméra parfois en limitant ce que vous faites et, de cette façon, ce que l’on obtient à l’écran. Les deux étaient tout simplement … J’ai une excellente relation de travail avec Benedict et Martin, mais je pense que cette nuit-là j’ai tellement ri que j’en souffrais. Martin, il est … Je veux dire, les deux sont … Un de mes moments favoris est quand ils sont de retour à 221B avec Alice et il s’endort, mais il dit « Je suis impoli » comme ceci (imite Benedict jouant Sherlock). C’était un peu difficile de travailler parce que c’était si drôle.
MJW : Y a-t-il eu beaucoup d’improvisation?
SL : Beaucoup de ces scènes l’étaient, oui. Beaucoup d’entre elles ont été improvisées. Je veux dire, vous savez, nous avions une idée de base pour ce que nous faisions, mais il y a eu beaucoup d’improvisation. C’était très fluide. Les deux hommes au bas de l’escalier et leur chute ont été complètement improvisées. Ça s’est passé sur la première prise.
MJW : Le jeu de « Qui suis-je » avec les noms … ?
SL : La scène était scriptée, mais en termes de dialogue ce n’était pas scripté, vous savez.
MJW : Martin en particulier était fantastique dans cette scène.
SL : Quand vous avez des acteurs de la trempe de Benedict et Martin, si vous les mettez dans cette situation, ils finissent par produire quelque chose de mieux que ce que vous ne pourriez jamais imaginer. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous tournons avec deux caméras en tout temps parce que vous voulez tout capturer immédiatement. Si vous pensez à ces scènes, vous voulez être en mesure de filmer ces scènes et de les contre-filmer afin d’obtenir cette dynamique. Vous ne voulez pas avoir à dire « En fait, c’était vraiment génial quand tu as fait ça Martin, peux-tu le faire encore ? » Parce que neuf fois sur dix, Martin va dire « Qu’est-ce que j’ai fait? » parce qu’il ne sera pas conscient vraiment de ce qu’il a fait parce qu’il est dans la peau de son personnage et il fait des trucs. Ce que vous voulez tenter de faire dans ces situations est de capturer ce moment pour ne pas vous sentir comme si vous n’aviez pas réussi.
MJW : À propos de la partie où ils sont ivres, les scènes avec les superpositions qui disent « deaded » et « sitty thing », avez-vous quelque chose à voir avec ça?
SL : Non, c’est tout post[-production]. Ça vient de Charlie [Philips], l’éditeur [pour Le cercueil vide ou Mark Davis, l’éditeur pour Le signe des trois] – ça vient de Colm [McCarthy], le réalisateur de Le signe des trois] et de l’éditeur qui l’effectue dans la salle de montage. L’idée du texte sur l’écran de la première série – il a été ajouté à l’origine parce que nous avions tellement d’exposition à l’écran et tellement d’images de textos, de téléphones, et ça allait être ennuyeux à l’extrême de filmer tous ces plans et ces prises. Le problème est que vous avez à tenir la prise aussi longtemps que – si vous avez un texte de trois phrases, vous devez tenir la prise assez longtemps pour que quelqu’un puisse le lire, ce qui est très pénible. Au moins, en mettant du texte sur l’écran, vous permettez alors à une scène de continuer et puis d’avoir du texte sur l’écran. Je ne pense pas que nous sommes les premiers à le faire. Je pense que cela avait été fait avant, c’est juste nous l’avons utilisé à bon escient. Je crois personnellement que rien n’est original. Nous sommes tous plagiaires en fin de compte. Ça a tout déjà été fait avant, vous le combinez seulement d’une manière différente.

Photo de Steve Lawes par Robert Viglasky. Utilisée avec permission.
MJW : Cela revient à la question du cadrage et de votre expérience dans la photographie et les images fixes; chaque trame de la série est tout simplement … Que pensez-vous du fait que les fans ont accès à chaque trame [de Sherlock] et font des remix, créent de nouvelles animations à partir d’elles? Je veux dire, c’est essentiellement ce sur quoi le fandom entier est basé – remixer votre travail. Que pensez-vous de cela ?
SL : Honnêtement, je pense qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec ces images. Ce n’est pas une œuvre d’art avec laquelle on ne peut pas jouer. Je pense que si quelqu’un a du plaisir à prendre quelque chose et ensuite le manipuler et faire autre chose et si ça donne aux gens … si les gens sont intéressés à le faire, alors je n’ai aucun problème avec cela. Je suis flatté. C’est tout ce que je peux dire. Je suis flatté que les gens trouvent ça assez intéressant pour le faire.
MJW : J’irais même jusqu’à dire que le fondement de ce qui amène le fandom à construire et à construire et à construire est d’avoir ce genre de qualité de produit avec lequel travailler. J’ai lu une interview de Moffat et Gatiss où ils parlaient du fait qu’ils n’étaient pas si sûr qu’ils avaient trouvé un bourreau des cœurs avec Benedict Cumberbatch. C’était peut-être un peu une surprise pour eux ? Mais votre travail a beaucoup à voir avec cela. Avez-vous pensé à cela avant ? L’éclairage, le cadrage ?
SL : Je n’ai jamais pensé à ça d’une manière directe, mais oui, évidemment, je veux dire je … c’est très intéressant parce que Benedict est très facile éclairer. Benedict a un visage si anguleux que vous pouvez faire à peu près n’importe quoi en termes de lumière et il paraît bien – ce n’est pas ce que je fais, mais – il a un visage très intéressant en termes de photographie. Martin [Freeman], d’autre part, il a un bon visage, mais ça prend beaucoup de soin pour faire bien paraître Martin et je passe beaucoup de temps à faire … vous savez, je traite tous mes acteurs de la même façon et je passe beaucoup de temps à essayer de les faire paraître aussi beaux que possible. Entre les deux, je passe plus de temps sur Martin que je le fais sur Benedict. Mais en fin de compte, je ne fais que faire mon travail. En termes de la série et des acteurs, je vais faire en sorte qu’ils paraissent aussi bien que possible.
Quand Martin a obtenu son BAFTA du meilleur acteur de soutien, il m’a remercié dans son discours. J’ai reçu une vingtaine de textos qui disaient « Martin vient de te nommer dans son discours de remerciement », ce qui est presque du jamais vu. J’étais un peu surpris à l’époque et j’ai pensé … C’est le genre de gars que Martin est, c’est ce qu’il fait. J’étais très reconnaissant que Martin reconnaisse réellement ce que j’avais fait.
Quand je suis revenu pour faire la saison trois, j’ai eu une étreinte avec Martin et Benedict à deux occasions distinctes quand ils sont revenus, et ils ont tous deux dit qu’ils étaient incroyablement heureux de me revoir. Ce qui était vraiment, vraiment agréable pour moi est que j’ai travaillé sur la saison trois avec les deux mêmes messieurs avec qui j’ai travaillé sur la saison un. Je veux dire qu’ils sont partis comme ça (fait un geste vers le haut indiquant leurs étoiles montantes) pendant ce temps-là, mais ils sont toujours les mêmes gars qui montrent a) à quels point ils sont professionnels, mais aussi b) qu’ils sont de superbes personnes.
MJW : Je me demandais ce que vous pourriez me dire à propos du travail sur The Tractate Middoth avec Gatiss et la différence entre travailler avec lui sur Sherlock dans ce rôle et de travailler avec lui en tant que réalisateur.
SL : J’ai toujours travaillé avec Mark comme un écrivain et un producteur exécutif et un acteur, alors Mark est toujours sur le plateau pour un grand nombre de ses épisodes de Sherlock . Il a tendance à être sur le plateau tous les jours dans son rôle de scénariste-producteur et puis quand Mark joue, il joue. Je pense que la différence entre travailler avec Mark sur Tractrate est qu’il écrivait l’adaptation et c’est aussi sa société de production et il est également le réalisateur. Il n’était pas nerveux. C’était de toute évidence une nouvelle expérience pour lui, c’était quelque chose qu’il n’avait pas fait avant et c’était intéressant de travailler avec Mark, de cette façon où lorsque vous travaillez avec des réalisateurs qui ont fait pas mal de films et de séries, ils ont développé un style et une méthode de travail. Mark sait ce qu’il aime. Il sait ce qu’il veut. Je pense que l’expérience d’être réalisateur était une nouvelle expérience pour lui. Je pense que ce sera différent la prochaine fois que nous travaillerons ensemble. C’est presque comme si il avait passé le test et il peut dire « Bon, je peux me détendre maintenant et faire ce que j’ai à faire ». Non pas qu’il n’était pas détendu, mais quelqu’un sur leur premier projet dans un rôle particulier, notamment en tant que réalisateur … Ça a été un merveilleux tournage. Susie Liggat, qui l’a produit, qui a aussi produit le deuxième épisode de Sherlock, saison trois, est une dame merveilleuse. Une des choses en laquelle Mark croit, c’est que ça n’a pas besoin d’être pénible lorsque vous faites une production. Vous n’avez pas à crier après les gens, vous n’avez pas besoin d’avoir des disputes, ce devrait être une expérience agréable. Tous les projets ne sont pas des expériences agréables. Une grande partie du temps ils sont stressant, ils sont un peu difficiles. Il y a beaucoup de politique. Je pense que l’une des choses dont Mark est un grand défenseur est d’un projet qui vous permet d’être créatif et de ne pas vous soucier de quoi que ce soit d’autre. C’est ce que j’aime de travailler avec Mark. Il s’agit de la créativité. Les autres tâches sont tenues à l’écart du plateau et traitées ailleurs et vous vous occupez de raconter l’histoire. Qui est ce que vous devez faire.
MJW : Une des choses qui m’ont frappée – ce qui est étrange – mais [ce sont] les scènes de poussière. Les scènes de poussière au 221B quand Mme Hudson ouvre les fenêtres pour la première fois, puis la poussière dans la bibliothèque [dans The Tractate Middoth]. Est-ce un trope qui fait partie de votre style ? Comment avez-vous abordé les scènes différemment? Parce que ce sont des atmosphères de très, très différents types.
SL : Certains directeurs de la photographie utilisent beaucoup d’atmosphère, beaucoup de fumée dans l’air pour voir les puits de lumière. Je l’utilise de temps en temps. J’ai tendance à le considérer comme plutôt théâtral la plupart du temps. Évidemment, l’objectif dans Sherlock était [de montrer] que la pièce a été fermée pendant deux ans, et vous ouvrez et c’est poussiéreux. Je suis un peu fasciné par la poussière et la façon dont elle réagit avec la lumière. J’ai passé du temps à filmer de la poussière à grande vitesse juste sur des macros, comme des particules de poussière flottant tout autour. Vous pouvez les regarder pendant des heures. C’est comme regarder l’eau se déplacer et ça a un tel mouvement organique. Et encore, c’est ce genre de détail que si vous entriez vraiment dans cette pièce, si c’était une vraie pièce et le soleil la traversait vraiment et vous bougiez les rideaux et la poussière montait dans l’air, les particules … vous les regarderiez probablement et vous remarqueriez le fait que cette poussière se déplace autour de vous. Sur Tractate, c’était plutôt une idée que c’était ce … comment montrons-nous qu’il y a cette chose là? Comment créons-nous cette idée qu’il y a cet être éthéré ici. Je sais, jetons un tas de poussière dans l’air. (Rires)
MJW : (Rire) Ça a fonctionné!
SL : Oui ! Vous faites des expériences mais c’est comme son [William Garrett, le personnage principal] ami dit (dans Tractate), « Truc de lumière. » Cette idée que quelque chose est différent et qu’il y a une odeur. Il y a une texture et ça ajoute quelque chose d’autre que vous ne pouvez pas … Je veux dire, très souvent un réalisateur me dira « Je veux lui donner une atmosphère différente. Comment la rendre différente ? » Et je réponds « Bien, nous pourrions filmer d’une autre façon, nous pourrions changer l’éclairage », et nous le faisons, mais bien souvent ce sont des changements drastiques. Idéalement, ce que j’essaie de rechercher sont des changements subtils qui font en sorte que l’auditoire se dit « Il y a quelque chose de différent ici. » Évidemment dans quelque chose comme Tractate, vous jouez et vous en faites une grosse affaire. Encore une fois, c’est juste d’essayer de raconter l’histoire, d’essayer de raconter l’histoire visuellement, ou aider à raconter l’histoire visuellement.

Photo de Steve Lawes par Robert Viglasky. Utilisée avec permission.
MJW : Vous avez filmé Londres de bien des façons différentes et pour tant de différents projets. Je me demandais si vous pouviez parler de cela. Par exemple, Le banquier aveugle a une apparence particulières – les lentilles – je ne connais rien à propos de l’aspect technique mais c’est très rêveur, [mais] dans Hunted, c’est très clair. Pourriez-vous nous parler un peu plus sur le tournage à Londres et comment vous l’approchez différemment pour différents projets?
SL : Londres est – Eh bien, je n’ai jamais eu le privilège de tourner à New York, mais c’est probablement la même chose – c’est que Londres a tant de côtés différents. C’est comme le cristal que vous tournez et vous voyez de petites teintes et des petits bouts et différentes parties chaque fois que vous le regardez. Selon ce qu’est le projet sur lequel je travaille, vous savez je suis le genre de personne qui a vu tant de côtés différents de Londres, que ce soit sur le plan personnel ou que ce soit sur le plan professionnel. J’ai une relation amour-haine avec Londres. Je ne vis pas à Londres. Je ne voudrais pas vivre à Londres. Je travaille beaucoup à Londres, mais je ne veux pas y vivre parce que c’est un endroit plutôt impersonnel. Comme New York, dans le sens où tout le monde fait ceci – la tête basse et regarde vers l’avant – tout le temps et personne n’a le temps pour personne d’autre. Je trouve cela très difficile à gérer émotionnellement en tant que personne. Je vais à Londres depuis que je suis un jeune garçon. Ma première expérience de Londres était les grandes aires commerciales comme Tower Bridge et puis évidemment, en vieillissant j’ai vu Londres plus en termes – sur un plan personnel, en y vivant pendant une courte période et aussi y travaillant et en voyant les différentes quartiers. Londres ressemble à beaucoup de choses différentes. C’est comme cette scène dans Hunted, où nous étions dans ce tout nouveau bureau avec tous les étages et le verre. Ce n’était pas très différent à la scène où l’homme d’affaires a été empoisonné dans Sherlock [Une étude en rose]. En fait, elle m’a beaucoup rappelé cela. C’est cette neutralité austère que vous voyez. Et vous pouvez aller à d’autres endroits à Londres où avons tourné Sherlock – ça peut être sous terre. Vous pouvez voir toutes ces choses différentes, mais vous les voyez … J’essaie toujours de seulement les regarder en termes de l’histoire.
Quand je lis un script, la première fois j’essaie de le lire seulement sur le plan de l’histoire, comme si je lisais un livre. J’essaie de ne pas y penser techniquement en termes de comment je ferais cela, comment je ferais ceci, et je pense que c’est vraiment important parce que la première fois que je le lis, je le perçois comme vous le feriez en tant que spectateur ou comme une personne, comme un être humain. Puis je reviens en arrière et le relis et je commence à penser à comment je ferais les choses créativement et techniquement. Et je pense que c’est la même chose avec Londres. Si nous avons un environnement que nous regardons, je pense « Comment est-il lié à l’histoire ? Comment puis-je le lier à l’histoire ? » Et ce n’est pas toujours aussi simple que cela parce que c’est une question de logistiques, par exemple ce bâtiment où nous avons tourné dans Hunted. Nous y avions accès pendant quatre heures. Vous devez arriver là – vous ne pouvez pas vraiment l’éclairer parce que c’est au vingt-sixième étage. Vous vous dites « Bon. Que pouvons-nous faire avec cet espace? » Comme je l’ai dit plus tôt, c’est souvent le meilleur choix d’avoir une situation où vous devez faire quelque chose et que vous n’avez pas le luxe d’avoir tous les jouets et la boîte à outils pour le faire. Ça concentre votre point de vue sur quelque chose. C’est étrange parce que même si je pense à ces choses – c’est comme le cadrage. J’en parle comme je parle de conduire une voiture. Quand j’opère une caméra, je ne pense pas à où je vais mettre le cadre, je le fais. C’est la même chose quand je monte dans la voiture. Je ne pense pas à comment utiliser l’accélérateur et l’embrayage et le frein. Mes pieds le font. C’est une bonne chose. Ça devient une chose instinctive et en fait ce que vous faites, vous ne vous dites pas « Je devrais faire ceci à cause de cela », vous le faites comme une réponse automatique que vous avez développée. Ce qui remonte à ce que je disais sur la condition humaine dans la narration, c’est que vous réagissez émotionnellement à un environnement. Votre réaction émotionnelle à cet environnement est quelque chose, même si vous n’y pensez pas, c’est quelque chose qui vous guide dans la façon que vous filmez, la façon que vous encadrez. Pour moi tous les meilleurs peintres, photographes, cinéastes, nous regardons tous les exemples de ces travaux – il y a un attachement affectif là.
Il y a un photographe de guerre, Don McCullin, qui a fait le Biafra et le Cambodge, un photographe de guerre très célèbre dont j’ai vu l’exposition quand j’avais dix-sept ans et j’étais au collège. C’était des images d’enfants cambodgiens affamés, des tirages de six pieds par quatre pieds. Des expériences étonnantes, mais vous regardez ces images et vous voyez qu’il y a quelque chose dans chacune d’elles et j’ai acheté son livre. C’est un livre frappant à lire. Il est intitulé Unreasonable Behaviour. Dans le livre, il a été interviewé par un journaliste américain. Il avait un Leica, qui est très célèbre, il s’est fait tirer dessus et le Leica a pris la balle – ça lui a sauvé la vie. Mais le journaliste lui dit: « Oh, vous utilisez des caméras Leica – les meilleurs appareils que vous pouvez obtenir. Pensez-vous que cela fait de vous un meilleur photographe ? » Il a dit « Je peux prendre une photo avec un sténopé. Le résultat serait exactement le même que ce que je prendrais avec un Leica. C’est seulement la qualité qui serait différente. C’est ce que vous voyez avec vos yeux et sentez avec votre cœur. » Je pense que c’est tout à fait vrai.
La façon dont je travaille, c’est que je relie une situation avec ce que je ressens face à elle avec mes yeux et mon cœur et ça me pousse à faire ce que je fais. Je pense que l’émotion est ce qui est important parce que l’émotion – vous ne pouvez pas le quantifier, mais c’est ce que vous pourriez voir et ce que vous pourriez aimer; tout mon travail est motivé par cela. C’est parce que je me soucie de ce que je vois et ça me touche d’une certaine manière.
MJW : Ça lui donne une profondeur … Pour pouvoir y retourner encore et encore et encore. Évidemment, j’ai probablement vu Sherlock des centaines de fois maintenant, mais ça le rend si irrésistible, cet élément. Je voulais vous demander au sujet d’autres influences. Essayez-vous consciemment d’imiter une photo particulière ou vous trouvez-vous en quelque sorte à l’absorber ou à la modifier pour vous-même ?
SL : Je n’essaie pas vraiment de copier quoi que ce soit. En termes d’influences, je dirais que Crewdson a probablement eu la plus forte influence sur moi, vous pourriez probablement regarder le travail de Crewdson puis regarder mon travail et voir qu’il existe une similitude.
MJW : Je suis allée chercher des photos pour les regarder côte-à-côte.
SL : Crewdson a eu une grande influence, mais ça n’a jamais été une sorte de … ce que j’aime dans le travail de Crewdson est qu’il y a cette ampleur et cette couleur et tout ça. Ce sont des tableaux. J’ai tendance à être attiré par des choses plus sombres, vous savez, sombres en termes de contraste, mais aussi sombre sur le plan du sujet. Je trouve cela plus intéressant. La face cachée des choses. Ce que j’aime à propos de l’œuvre de Crewdson est qu’il y a quelque chose de pas tout à fait … on se sent toujours un peu sur la brèche. Il y a quelque chose de pas tout à fait juste. Je pense que c’est vraiment intéressant, l’idée que vous … d’être aussi subtil que possible. Et je pense que ce que Crewdson fait si bien, c’est qu’il fait beaucoup de choses vraiment dramatiques, mais il les fait très subtilement. Ce que vous obtenez et le fait qu’il crée ce cadre et prend cette image et vous pouvez la regarder. Souvent, lorsque vous commencez en termes de cinématographie ou de photographie … quand j’ai commencé, je ne mettais pas une lumière quelque part si je ne pensais pas que c’était justifié parce que si vous voulez que votre éclairage semble réel, alors ça ne devrait que venir de la direction du soleil. Eh bien, vous apprenez rapidement que si vous faites cela, c’est un combat perdu d’avance, car c’est très difficile de faire cela. Qu’est-ce que vous avez tendance à faire est que vous avez tendance à vous en tenir à cette règle, mais alors vous la pliez légèrement, ce que fait Crewdson : si vous voulez avoir une couleur différente dans le cadre, vous pouvez créer une couleur différente dans le cadre. Vous n’avez pas nécessairement besoin de le justifier. Ça peut être là pour une raison esthétique. Ça peut être là pour toutes sortes de raisons. Qu’est-ce que vous êtes en train de faire est que vous créez des choses différentes dans le cadre parce que vous avez la possibilité de le faire. Visuellement, Crewdson a été une très grande influence pour moi.
En ce qui concerne le travail d’autres personnes – quelqu’un m’a demandé l’autre jour de nommer des cinéastes que j’admire et Roger Deakins est un cinéaste pour qui j’ai une grande admiration. Janusz Kaminski – je pense que certains des travaux de Janusz sont absolument incroyables, le niveau de son travail avec [Steven] Spielberg … Un de mes films préférés est Le scaphandre et le papillon de Kaminski. L’avez-vous vu ?
MJW : Non, je ne l’ai pas vu.
SL : C’est ma recommandation pour vous après cette entrevue. C’est l’histoire d’un gars qui a un accident vasculaire cérébral. Il était le rédacteur en chef de [NdT : Elle]. C’est une histoire vraie et c’est un film de répertoire [NdT : franco-américain] que Janusz Kaminski a tourné entre l’un de ses grands blockbusters avec Spielberg pour presque pas d’argent. C’est un excellent exemple de la façon dont quelqu’un qui pourrait avoir tous les grands projets et aboutit à travailler sur ce petit film. C’est une superbe pièce de narration visuelle. Regardez-le et alors nous pourrons en parler davantage, mais il est à couper le souffle par son style, son ingéniosité, tout. Alors. J’ai une grande admiration pour [Kaminski]. Sławomir Idziak qui a tourné Trois couleurs: Bleu, La chute du faucon noir . Principalement à cause de son travail avec Kieślowski. Je dirais que Kieślowski en tant que réalisateur a une énorme influence sur moi. Quand j’étais au collège, je regardais à peu près exclusivement des films français et polonais. Je suis tombé amoureux de l’idée qu’ils avaient quelque chose qu’aucun autre film n’avait. À cette époque, ils étaient certainement très différents du style de film Western. Les films de Kieślowski sont généralement très sombres, mais ils sont aussi très honnêtes. Encore une fois, ils traitent de la condition humaine. Ils traitent de ce sentiment à propos de quelque chose. Ce que vous obtenez d’eux est ce … [Kieślowski] raconte cette histoire à propos du club auquel nous appartenons tous. L’ironie et la tragédie de la vie, le fait que vous vous rendez compte que vous aimez quelqu’un lorsque vous l’avez perdu, ce genre de choses.
Vous savez, lorsque vous allez au cinéma avec un ami et vous voyez un film superbe et vous sortez du cinéma et vous ne dites pas un mot et puis vous y pensez pendant les cinq jours qui suivent. Vous y pensez lorsque vous vous réveillez le matin – ça c’est un grand film pour moi. C’est quelque chose qui vous a fait réfléchir, qui vous a touché, alors que vous pourriez sortir et voir un autre film et vous pourriez en parler pendant cinq minutes et vous auriez eu du plaisir, mais ce n’était pas une grande œuvre de cinéma. Je me souviens avoir vu 21 Grams avec ma femme lorsque nous avons eu notre première fille et je ne lui ai jamais parlé du propos du film. Je pleure très facilement lorsque je regarde des films. Je deviens très émotif. Nous avons regardé le film et à la fin de la soirée, Rachel est allée se coucher. Elle ne m’a pas parlé. Elle ne voulais pas me parler. Elle s’est levée le lendemain et elle ne voulais toujours pas me parler. Elle était très en colère. Deux jours après avoir regardé le film, nous nous sommes disputés et elle m’a dit qu’elle était très en colère parce que je lui avais demandé de regarder ce film avec moi, et si elle avait su quel était le sujet du film, elle ne l’aurait pas regardé. Elle est une mère – il y a beaucoup de raisons pourquoi elle a trouvé le film difficile à regarder, mais c’était très intéressant qu’il ait eu tant d’effet sur elle. Au cours des jours suivants, elle a réalisé quel était cet effet et a pu le comprendre. Et puis nous avons eu une discussion où elle a dit : « Je pense vraiment que c’est un des meilleurs films que j’ai vu depuis longtemps. Il m’a vraiment touchée. » Les moments comme ceux-là sont ce qui m’inspire. Ces moments où je me dis « Woah … », qu’ils soient désagréables ou pas, ils sont réels. Ils sont intéressants. Je pense que c’est une des choses qui font grandir ma passion de faire ce que je fais, c’est que j’adore ça lorsque vous pouvez tourner quelque chose, vous pouvez capturer ce moment afin que d’autres personnes puissent le voir. Qu’ils puissent en profiter.
MJW : Je pense à un moment qui a hanté beaucoup de gens. C’est le moment de la boîte d’allumettes. Est-ce La mort en prime ou Pulp Fiction qui a ce moment où la lumière brille de quelque part et ce n’est jamais vraiment expliqué? Saurons-nous un jour de quoi il s’agit, ou est-il là pour nous faire dire « Ooh … » – pas mal!
SL : En fait, je ne connais pas la réponse et même si je la connaissais, je n’aurais pas la permission de la partager ou quoi que ce soit. D’un point de vue technique, c’était un défi, l’ouverture de cette boîte d’allumettes. C’était en quelque sorte inspiré de l’idée de Pulp Fiction où vous ouvrez cette valise et il y a cette lueur – vous ne savez pas ce qu’il y a à l’intérieur. Est-ce Dieu, est-ce de l’or, qu’est-ce que c’est ? Je me souviens d’avoir discuté de Blade Runner avec quelqu’un. Il y a une scène dans Blade Runner, lorsque Deckard a été tabassé et il prend une gorgée de son verre et vous voyez cette image macro de sang qui tombe dans l’eau, et des gens ont écrit au sujet de cette scène depuis des années, des étudiants d’école de films ont écrit à propos de la signification du sang et de l’eau – est-ce que ça symbolise qu’il est un Replicant, la renaissance, ou quoi. On a demandé à Ridley Scott 20 ans plus tard. Quelqu’un a pris son courage à deux mains et lui a dit : « Cette prise de vue, la prise de vue avec le sang dans le verre, qu’est-ce que ça signifie vraiment ? » Et il a répondu : « Ça ne veut rien dire du tout. C’était juste une image superbe. » Je pense que c’est la même chose avec la boîte d’allumettes. Parfois les meilleures choses sont quand vous ne donnez pas de réponse. Si vous dites au public ce que c’est, alors ils le savent. La récompense est déjà là. Si vous laissez les gens – votre imagination … C’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que le premier film Alien est encore le meilleur film de science-fiction jamais réalisé. Parce que nous ne voyons le monstre que très rarement. La même chose avec Les dents de la mer. L’idée de ne pas voir quelque chose est beaucoup plus puissante que … l’idée de ne pas savoir « Bien, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce qui était dans la boîte d’allumettes? »
MJW : Ça va alimenter les fans pendant deux ans.
SL : Oui.
MJW : Ça et pourquoi la plante bouge-t-elle dans le troisième épisode. Vous avez fait Sherlock et Middoth et Pemberley juste après?
SL : J’ai fait Sherlock, les épisodes un et deux, puis je suis passé directement à Pemberley, sur quoi j’ai travaillé pendant douze semaines, puis je suis allé en vacances pour deux semaines, puis je suis allé travailler sur Tractrate.
MJW : Combien de temps avez-vous eu pour tourner Tractate ?
SL : Neuf jours.

Photo de Steve Lawes par Robert Viglasky. Utilisée avec permission.
MJW : Ah ! Wow. Et Pemberley – phénoménal. Passer de Sherlock à Pemberley – c’est un style totalement différent, non ?
SL : Très différent. Il s’agissait d’un réalisateur avec qui j’ai travaillé à plusieurs reprises, Daniel Percival, qui est un très bon ami et qui est probablement mon réalisateur préféré avec qui travailler. C’est un gars incroyable. Le grand drame d’époque de l’année de la BBC. Ni l’un ni l’autre n’avions fait un drame d’époque auparavant. Nous avions fait des choses qui étaient d’époque en quelque sorte, mais sans les grandes robes et tout ce genre de choses. Nous avons beaucoup parlé de ce que nous aimions et que nous n’aimions pas dans d’autres projets. Il y a une série ici appelée Downton Abbey qui est très populaire – et aux États-Unis. D’un point de vue technique, mon problème avec quelque chose comme Downton c’est que c’est trop lumineux. C’est toujours trop aéré et lumineux. Lorsque nous avons discuté Pemberley, nous avons parlé d’essayer de le faire paraître réel, mais pas réel au point qu’il soit terne. Vous pouvez faire un film comme ça et dire que nous allons seulement faire ce qui serait réel et vous pourriez aboutir avec quelque chose qui aurait l’air assez terne, comme un drame naturaliste. C’est une combinaison de vouloir faire paraître quelque chose vraiment riche et intéressant, mais aussi pour que les gens le trouvent crédible.
[Par exemple] 98% des scènes à la chandelle dans Pemberley sont seulement à la lumière de bougies [sans éclairage artificiel supplémentaire]. J’ai travaillé avec des lentilles très rapides et tourné à ISO élevée avec l’Alexa de sorte à pouvoir capturer cette atmosphère de la lumière de bougies. Tous les trucs de jour sont … c’est un peu ce que je fais de toute façon. J’ai tendance à ne pas éclairer sur le plateau. J’ai tendance à le faire pour les scènes d’intérieur de jour, comme dans Sherlock, j’ai toujours tendance à avoir des grandes sources de lumière à l’extérieur du plateau et à les orienter vers le plateau parce que c’est ce que le soleil fait. Qu’est-ce qui se passe dans une pièce normale est que vous avez la lumière réfléchie à partir d’un nuage, qui est douce, et la lumière directe du soleil. Donc, ce que j’ai tendance à faire comme dans Sherlock est que j’ai deux grosses lumières au-dessus des fenêtres qui créent la douce lumière des nuages et puis j’ai les deux lumières très brillantes qui créent la lumière du soleil. En vérité, le soleil ne frapperait jamais vraiment cette fenêtre sur ce bâtiment de North Gower Street. Mais nous appliquons une certaine licence artistique. C’est quand vous vous dites « Bon, je vais être théâtral un peu pour que ça fonctionne parce que ça paraît mieux. » Ça a l’air plus intéressant comme ça, ça crée plus de formes et plus en profondeur.
MJW : J’ai eu l’impression que 221B est un peu différent de la première saison à la troisième saison. Est-ce que ça a été fait consciemment ou est-ce que j’imagine des choses ? Il semble plus lumineux …
SL : Oui, c’est différent pour beaucoup de raisons. D’après moi, c’est différent d’une part parce que la caméra est différente.
MJW : J’allais poser la question parce que vous avez une Arri Alexa mais vous avez utilisé un autre appareil pour la première saison, non?
SL : C’était une Sony F35 pour la saison un, puis l’Alexa pour la saison deux et trois. L’Alexa fait une différence, mais pour être honnête ça dépend aussi beaucoup du réalisateur. Un bon exemple [de comment le choix de prise du réalisateur influence l’apparence d’une scène] est lorsque [Sherlock et Mycroft] jouent à Opération dans Le cercueil vide. Jeremy [Lovering] voulait tourner des prises à travers les fenêtres, et quand vous faites cela vous ne pouvez pas garder la lampe à l’extérieur de la fenêtre, alors vous vous retrouvez à changer votre éclairage en raison de la nature des prises. Ce que Paul [McGuigan] et moi faisions assez souvent pour la saison un, c’est que nous faisions une prise large qui permettait de créer cette forme plus nette, et puis des gros plans par la suite. Mais nous ne bougions que très rarement les prises larges. Les prises larges étaient toujours statiques. C’est motivé par beaucoup de choses aussi parce que Jeremy voulait que les choses paraissent différentes. C’était une conversation bizarre parce que lorsque j’ai rencontré Jeremy, il a dit « Oh, nous savons ce qui s’est passé avant et nous voulons changer un peu les choses » et j’étais d’avis que je ne pensais pas qu’il y avait que beaucoup à changer vraiment. Certainement en ce qui concerne le studio, car je pense que nous avons le bon studio. Je veux dire, vous pouvez toujours développer des trucs mais je pense que dans la saison un, le studio avait l’air assez bien. Ça a un effet sur les choses. Aussi, vous faites très rarement les mêmes choses deux fois. C’est comme si on vous donne la possibilité de revenir en arrière et de faire quelque chose de nouveau, vous allez faire autrement. Même si vous pensiez que vous aviez la bonne idée en premier lieu, la vérité est que vous allez probablement finir par faire différemment juste parce que c’est la nature humaine. Vous vous direz « Eh bien pourquoi ne pas essayer ceci ou pourquoi ne pas faire cela ? » Je n’ai pas vraiment regardé les deux [saisons] côte-à-côte à cet égard. Je pense qu’elles paraissent différentes. Je ne pense pas que les épisodes de la saison 3 ont le contraste que la saison 1 avait. Je dirais que c’est probablement l’influence du réalisateur. Avec la saison un, Paul voulait toujours pousser un peu plus loin.
MJW : Alors comment vous êtes-vous senti de jouer au photographe de mariage [dans l’épisode de Sherlock Le signe des trois] ?
SL : Le mariage était en fait – nous avons passé une semaine dans cet environnement à tourner ce mariage.
MJW : Pour l’horaire, c’est beaucoup.
SL : Oui. L’une des quatre semaines a été passée dans ce lieu de tournage pour filmer le mariage. Et c’était un peu comme être à un mariage. C’était génial dans un premier temps, puis c’est devenu très ennuyeux et fastidieux et puis nous avons terminé avec un tournage de nuit à la fin que j’ai apprécié énormément avec la danse et le discours de Sherlock sur la scène. C’était agréable de faire quelque chose de différent. J’ai trouvé l’environnement très difficile, car il va à l’encontre de mes instincts – le jaune sur les mur, toutes les fenêtres. Le réalisateur voulait qu’il soit très lumineux et qu’il ait cette ambiance. Ce qui va à l’encontre de ce que je voudrais normalement faire parce que j’aime les choses qui sont plus sombres et plus contrastées. Il faut avouer à soi-même que c’est un mariage et un mariage a besoin de cette ambiance, alors … Nous avons eu beaucoup de plaisir avec la prise bullet time. C’était une chose agréable à faire. C’était agréable de jouer avec quelque chose que vous ne feriez pas normalement. Ça prend beaucoup de temps.
MJW : Le montage de l’équipement avait l’air vraiment compliqué.
SL : Oui. Ça a pris environ une demi-journée pour le mettre en place. Et vous prenez quatre prises et c’est tout.
MJW : Comment ça fonctionne ?
SL : Il y a 50 appareils photo dans un arc, tous avec le même objectif, tous avec le même réglage. Ils prennent tous une photo en même temps ou ils peuvent être déclenchés à un vingt cinquième de seconde ou à un cinquantième de seconde l’un après l’autre. [Quand l’ordinateur les compile ensemble] c’est comme si elles étaient des images individuelles de la caméra. On a l’impression que la caméra prend en fait cinquante images sur cette piste, mais elle le fait beaucoup plus rapidement que ce que pourrait faire une vraie caméra et aussi ça a pour effet de geler le mouvement. Ça a a été fait à l’origine dans La Matrice et beaucoup de projets du genre. C’était une idée que Colm [McCarthy] a eue, vous savez – il a poussé pour ça et disait qu’il voulait le faire, qu’il pensait que ça serait intéressant, et ça l’a été. Ça a été agréable de jouer avec ça. Plutôt long à installer et terminé très rapidement.
La bonne chose à propos de Sherlock est que c’est une de ces séries où il n’y a pas d’idée trop farfelue. C’est comme dans Le cercueil vide avec John dans le feu de joie. Nous avons tourné ça dans le studio. Je voulais filmer avec cette chose que j’appelle un Lensbaby, qui est cet objectif « shift and tilt » très primitif que vous pouvez manipuler vous-même pour obtenir ce sentiment de claustrophobie et cette idée de l’endroit où vous êtes. Il y a très peu de projets où vous pouvez faire ce que nous faisons sur Sherlock et que ça fonctionne bien. Et l’une des bonnes choses au sujet de Sherlock est que vous pouvez vraiment apporter quelques idées farfelues et les gens ne vous regardent pas avec des airs perdus. Ils vous regardent et sourient.
MJW : Quelle est l’idée la plus bizarre que vous avez eu, pensez-vous?
SL : La plus bizarre ? Pour Sherlock ou en général ?
MJW : Sherlock.
SL : Je ne sais pas vraiment … Je ne peux pas dire que quelque chose me vient à l’esprit, parce qu’aucune d’elle ne me semble vraiment étrange.
En ce qui concerne les idées qui sont différentes de ce que vous feriez normalement – je pense que les prises fixes dans la troisième saison de Sherlock et encore une fois les deux caméras ensemble. C’était une de ces idées, au début je pensais que probablement ça ne fonctionnerait pas. Je ne savais pas si cela fonctionnerait. Mais c’est en fait … Quand je travaillais sur Pemberley, nous sommes sortis pour un repas avec les acteurs et le gars qui joue Alveston [James Norton] avait découvert que j’avais tourné Sherlock et il était un grand fan et il ne savait pas que j’avais tourné Sherlock et il parlait de l’apparence de Sherlock et pourquoi ça fonctionnait et j’ai dit que c’est essentiellement moi qui l’a créée et il a dit « Vraiment?! » (rire) et j’ai dit « Oui, c’est vrai. » Oui, c’était une idée de Paul [McGuigan] et moi et il était vraiment décontenancé par cela et je n’avais jamais vécu ça avant. Et c’était bizarre parce que c’était devenu une chose acceptée, c’était devenu une chose normale. Compte tenu de la situation serrée, tout le monde aurait pu y arriver – avoir une idée aussi bonne que celle-là. J’ai trouvé autant d’idées de merde que de bonnes idées. En vieillissant, j’ai appris à filtrer les idées de merde avant que je les verbalise. (rires) Il est important de travailler dans un régime où on ne se sent pas menacé d’être rejeté et critiqué parce que vous apportez une idée. Il y a certains projets où vous verbalisez une idée et les gens ricanent et vous n’allez pas partager une autre idée parce que vous êtes trop intimidé. Je pense qu’il est important de ne pas se laisser intimider et de sentir qu’il n’y a pas de mauvaises idées. Il ne devrait pas y en avoir, vous savez.
MJW : C’est incroyable. Je ne veux pas prendre trop de votre temps, mais j’ai une dernière question que je voudrais poser – c’est une de ces questions d’imagination. Si vous pouviez avoir travaillé sur n’importe quel film dans le passé ou avec n’importe quel réalisateur, lequel serait-ce?
SL : Et-ce que ce doit être le même film et le même réalisateur ?
MJW : Non. Pas du tout.
SL : Ok. Le réalisateur serait Kieślowski sans aucun doute. Le film ? Je dirais probablement quelque chose comme Lawrence d’Arabie. Seulement parce que je pense que c’est rare dans le cinéma. Il y a peu de films comme ça.
MJW : Je pense qu’il est incroyable.
SL : En ce qui concerne les performances, tout dans ce film est incroyable, vous savez. Si je devais choisir un film, ce serait probablement Lawrence d’Arabie.
Si je pense en termes de quelqu’un, sur quoi ma perception de mon travail est basée, il serait très difficile pour moi de travailler avec [Kieślowski], bien il est mort maintenant évidemment, mais je pense que j’aurais été … il y a très peu de gens par qui je suis vraiment impressionné et devant qui je suis en admiration, mais je pense que Kieślowski serait une de ces personnes. Il est très intéressant de voir les films qui ont résisté à l’épreuve du temps. Il y a beaucoup de bons films. Il y a très peu de films que vous regardez maintenant desquels vous pouvez toujours dire qu’ils sont aussi étonnants qu’ils l’étaient à l’époque. Mais pour ceux qui font partie de ces films, ce doit être une expérience incroyable de faire partie de cela.
Je me sens un peu comme cela avec Sherlock parce que le nombre de fois qu’il est mentionné en conversation … c’est le genre de choses que j’apprécie comme vous l’avez dit de Pemberley. Il est très facile pour les gens de considérer que vous ne faites qu’une chose. Vous pouvez même faire cette chose très bien, mais c’est vraiment agréable que les gens réalisent que vous pouvez faire plus d’une chose. C’est ce qui s’est passé juste après que Pemberley et Sherlock ont été diffusés. Lorsque tous les trois [y compris The Tractate Middoth] ont été diffusés à Noël. J’ai reçu beaucoup de courriels non sollicités de gens disant combien ils les aimaient, mais ce qui est intéressant était lorsqu’ils parlaient du contraste entre Pemberley et Sherlock. Disant à quel point c’était intéressant de voir comment différemment j’ai fait ça. C’est un énorme compliment parce que c’est ce que j’essaie de faire. Je n’essaie pas de faire la même chose tout le temps, autrement la vie serait plutôt ennuyeuse.
-Fin-
Steve Lawes est un directeur de la photographie britannique dont les crédits comprennent : Sherlock (BBC); La mort s’invite à Pemberley (BBC); The Street (BBC); Strike Back (HBO) et le long métrage Skellig. Pour son travail sur Sherlock, Steve a reçu un prix BAFTA Cymru et une nomination RTS Craft.
Mary Jo Watts (mid0nz) est une fangirl de BBC Sherlock américaine âgée de 43 ans. Une blogueuse avec une formation universitaire en études des médias et théorie du cinéma, MJ écrit des méta-analyses sur les éléments visuels, la trame sonore, les accessoires et les décors de plateaux de Sherlock.
Roxane Périard-Fournier est une traductrice pigiste | Freelance Translator, roxanepfournier@gmail.com,
rpfourniertraduction.jimdo.com
Steve Lawes est un cinéaste indépendant. Les opinions qu’il exprime ci-dessus sont les siennes et ne reflètent pas celles de la BBC ou de Hartswood Films.